Antidepressive Delivery : Chain Of Foods (2008 - cd - parue dans le Koid9 n°67)
Antidepressive Delivery est un groupe norvégien, d’où des noms de musicos à coucher dehors avec des petits ronds sur certaines voyelles et des o barrés. Je vous en ferais donc grâce. Ce quatuor fondé en 2002 par le batteur et le guitariste nous propose là son second album ("Feel. Melt. Release. Escape", le précédent, date de 2004). L’envie de départ était de produire une musique dans l’esprit des grands rock-bands progressifs des années 70… et du point de vue seventies, l’objectif est plutôt atteint. En revanche, pour sympa que soit la musique d’Antidepressive Delivery, nous sommes plus en présence d’un groupe de rock que d’un groupe de prog. Le son est gros, les rythmiques souvent velues et un magnifique orgue Hammond omniprésent et très lordien (l’ombre de Deep Purple plane même très fortement sur les gimmicks d’avant refrain de "terminal") termine d’asseoir une ambiance plutôt hard-rock… En tout cas, malgré l’ambition de certaines plages, je pense qu’il est difficile de véritablement parler de métal-prog. Ceci étant entendu, les compos sont extrêmement inventives, et aussi bien jouées que chantées. Alors, ne boudons pas notre plaisir. Ça commence par une première plage ("starchaser") à la structure très lisible, avec une rythmique guitare gravement lourde et un orgue déjà jouissif. A noter le super crescendo qui emporte résolument l’auditeur à partir de la troisième minute et jusqu’à la fin. Second morceau ("desert machine") avec sa basse hypnotique et toujours très peu de fioritures. Le rock est basique, dommage que la voix soit autant sous-mixée. L’esprit prog de cet album pointe enfin son nez sur "accordion woman". L’orgue jazzy de l’intro rapidement soutenu par un gros jeu de basse ouvre une plage où quelques petits breaks tentent de déstructurer un ensemble malgré tout assez brut de décoffrage. Après lui, "blood is blood" qui dépasse allègrement les sept minutes n’est pourtant pas un véritable epic. Il débute sur une rythmique funk qui groove en diable pendant plus de trois minutes et quelques soli (piano/guitare/orgue) avant d’arriver à une sorte de coolitude évanescente très laid back dont le chant doublé, voire triplé (tierce et quinte) démontre son affiliation totalement seventies. C’est là que l’album nous impose une rupture. A partir de "we will crimson you" (malgré le titre) le plaisir n’est plus vraiment le même. Les morceaux qui suivent sont plus faibles, même si celui qui clôt l’album ("nothing you") relève un peu le plat. Comme ces plages se veulent effectivement plus ambitieuses – rythmiques complexes et présence de vrais tiroirs – il est assez facile (peut-être trop) d’en conclure qu’Antidepressive Delivery est plus calibré pour le rock efficace, même s’il sait être aventureux, que pour la prog pur sucre. En tout cas, même si l’ensemble sonne un brin daté, l’essai est intéressant, et je vous conseille de passer outre la pochette vraiment moche pour vous faire votre propre avis. Dominique Jorge |