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Musique Noise : Fulmines Integralis (2003 - cd - parue dans le Koid9 n°45)

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Comment convaincre des amateurs de Progressif d’acquérir un disque de "Zeuhl Music", issue de Magma ? Méchant challenge, hein ? Tout simplement en leurs faisant reconnaître que cette musique est belle, puissante et non conventionnelle.

Je le redis ici, le courant Zeuhl est différent parce qu’il ne doit rien au Rock, au Blues ou au Progressif anglo-saxon et qu’il puise son inspiration dans le Jazz Coltranien, le Rhythm’n’Blues explosif et répétitif de Redding et dans des racines profondément européennes. De fait, le message de Musique Noise, fortement inspiré par Magma, possède une forme originale, intéressante et pulsante.

D’ailleurs, je me disais bien que je les connaissais ces petits gars ! J’avais noté leur participation à la compilation "Ennéade", sortie chez Musea, il y a bien 10 ans, et qui réunissait les groupes français (pour la plupart) qui évoluaient dans la mouvance "Zeuhl".

Un premier album, "Fulmines regularis" (non, ça veut rien dire en latin !) était paru en 1989, toujours chez Musea et puis plus de nouvelles… C’était normal, le groupe n’existe plus depuis 1994, et le disque qui nous est proposé ici est en fait l’album de 1989, agrémenté de 4 titres inédits de 1992, dont le morceau "villiers" qui était déjà présent sur la compil "Ennéade".

Un peu d’historique : Musique Noise naît en 1986 de la réunion de 2 chanteuses, Cornélia Schmid et Isabelle Bruston, du bassiste Frédéric Huynh, du batteur Philippe Zarka, du pianiste Denis Levasseur et du chanteur (et saxophoniste) Jean Philippe Gallet. Un autre clavier, Xavier de Raymond, complétera le groupe par la suite. Cette formation, à 3 chanteurs et 2 pianistes n’est pas sans rappeler celle de Magma, sans guitare cependant.

10 titres sur le CD, très homogènes, qui mélangent allègrement thèmes puissants, chœurs fantastiques, parties endiablées de claviers (Ah, le son du Fender Rhodes !) et de saxo. Si l’on pense à Magma, on note cependant que les paroles sont en Français (et en Allemand sur un titre) et non en Kobaien. On ne trouve pas non plus l’aspect agressif, la hargne, l’engagement et l ‘énergie destructrice du groupe de Vander. Par contre, coté virtuosité, ça assure grave et il est clair que tous les musiciens sont des pointures. Très grosse section rythmique notamment (mais pas envahissante).

L’état d’esprit de Musique Noise est assez cool, avec de l’humour, des paroles décalées et des climats envoûtants, poétiques même comme sur "ecco", un titre issu d’un chant corse, que je trouve de toute beauté. Ce titre est d’ailleurs construit comme un morceau 100% progressif, axé sur des voix superbes et colorées, avec un thème qui revient chaque fois différent après des breaks instrumentaux inspirés. Les amateurs reconnaîtront dans ce morceau une reprise du leitmotiv de "mekanik destruktiw kommandoh", un petit clin d’œil au passage…

Il faut absolument parler de "villiers" qui est un titre extraordinairement mélodique tout en restant très technique. On est très loin du Jazz-Rock, même si cette musique vient du Jazz. Les chants structurent le message et le rendent facile à assimiler, du coup, on entre aisément dans un monde musical étonnant, à la croisée de la musique contemporaine, du Rock et de la "Zeulh Music".

La synthèse du style Musique Noise est exposée dans le morceau "l’étroit huit" (oui, les titres sont assez marrants, comme "pour qui sont ces rangers qui marchent sur nos têtes"), où les variations instrumentales conversent avec des voix syncopées, des chants multiples, le tout sur une basse cinglante et claire et une batterie pulsante.

Une mention enfin pour le dernier titre "pzkr !", qui m’a fait penser à du Neu par son rythme accéléré, compressé (comme son orthographe !) et ses joyeux soli déjantés.

En résumé, Musique Noise était un sacré bon groupe Français. Zeulh, certes. Alambiqué, évidemment. Mais aussi, technique et inventif, sans être trop "prise de tête". Comme pour pas mal de très bons groupes de chez nous, Eskaton, Eider Stellaire, Spheroe ou Potemkine (j’arrête là, la liste est tellement longue), la reconnaissance et le soutien ont été quasi nuls, ce qui fait que leur disparition était inévitable. Il nous reste leur disque pour découvrir l’étendue du gâchis.

Un grand merci à Musea pour la qualité de cette réédition impeccablement produite.

Dominique Reviron

Site du label Musea




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