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Fondé en 1975 par Kirk Long (guitares) et Randy Wilson (claviers), le combo nord américain Netherworld n’a pris sa forme définitive, celle qui donnera le jour aux titres que nous allons découvrir ensemble, qu’en 1980. Le line-up comptera alors, outre les deux fondateurs pré-cités, Thayne Bodin/Greg Schoppe (batterie, selon les morceaux), Denny Gorden/Scott Tracy (guitares) et enfin Pete Yarbrough (basse).
Tout ce beau monde donnera naissance en 1981 à la seule œuvre du groupe, "In the following half light" rapidement épuisée sous sa forme vinyle, et à laquelle la présente réédition CD sobrement intitulée "Netherworld" donne une seconde vie. Musea en a profité pour y adjoindre 3 morceaux instrumentaux souvent joués par le groupe en concert.
Durant ces mêmes concerts, le groupe avait également coutume d’interpréter des covers d’ELP ou de Genesis ("the lamb", "dancing with moonlight knight" …), cette dernière influence étant assumée par Randy lui- même.
Précisons pour conclure cette séquence historique que le groupe s’est dissout en 1983. C’est à cette époque en effet que le rock progressif cessa d’intéresser les media outre- atlantique. Comme chacun le sait, cette période de vaches maigres a tout autant affecté la vieille Europe mais il semble qu’elle fut fatale à Netherworld.
Assez logiquement donc, on pouvait s’attendre avec "In the following half light" à une œuvre néo-prog obéissant aux canons de cet art tel qu’il était pratiqué à l’aube des années 80.
Ce n’est qu’en partie vrai. Plus exactement, j’ai eu l’impression étrange de chroniquer deux CD en un seul, la césure s’opérant au niveau du cinquième morceau. Surprenant !
Abordons le côté "Yin" : "too hard to forget" le premier morceau du CD nous replonge dans une esthétique sonore très proche d’un "Tales from the lush attic" ou d’un "The wake" d’IQ, mais l’on pourrait également prendre "The Wedge" de Pallas en exemple.
Le recours à des instruments exclusivement électroniques, avec ce son de guitare qu’a largement défriché Mike Holmes dans le IQ des années 80, la batterie au frappé sec et au tempo simple, le tout appuyé par le chant assez haut perché mais agréable de Denny Gordon, tout ceci nous rappelle bien des choses … Au final un morceau efficace, tout comme le suivant ("son of sam") qui après avoir démarré sur les chapeaux de roues nous gratifie d’un salvateur break rythmique à mi-parcours : on repart alors sur une mélodie agréable dont la construction est une fois encore caractéristique de ce qui se pratiquait dans le milieu progressif en cette époque : les divers instruments en lice on tendance à se passer plus souvent le relais qu’ils ne se mêlent les uns aux autres pour constituer une trame mélodique homogène.
Des quatre premiers morceaux "néo" de ce CD, on retiendra que même s’ils datent un peu à présent (mais il faut se souvenir qu’ils furent composés voici plus d’une décennie), ils sont loin d’être désagréables, à l’exception notable du dernier des quatre, "maybe if they burn me" : bruitages électroniques dispensables, hurlements de Denny Gordon, mélodie quasi inexistante et surtout rythmique binaire devenant rapidement exaspérante, font que l’on se sent sacrément bien lorsque le morceau s’achève !
On se sent d’autant mieux que ce qui suit est du meilleur augure : explorons en effet le côté "Yang" de cette galette avec le 5ème morceau, "isle of man", qui inaugure une toute autre approche musicale. L’introduction sur fond d’arpèges de guitare classique que ne renieraient pas un Steve Hackett est magnifique. Bientôt le chant tout en finesse et en émotion de Denny Gordon vient prendre le relais en duo avec Pete Yarbrough au violon, puis c’est au tour de Randy Wilson de nous démontrer ses talents de claviériste dans un tourbillon de notes à donner le vertige. Un magnifique morceau qui me rappelle ce que Twelfth Night a produit de mieux avec notamment en 1982 le sublimissime "Fact and fiction".
Le morceau suivant "a matter of time", faisant lui aussi la part belle à la guitare classique mais également au piano, est tout aussi recommandable tant le groupe a su marier avec bonheur les parties "classiques" et "électrifiées", tout comme sur le dernier morceau du LP original, "sargasso", dont le xylophone me rappelle Gentle Giant mais dont la construction globale, à la fois mélodique et déstructurée, préfigure ce que nos talentueux français de Taal produiront quelques 10 ans plus tard ! Un très bon morceau, original, osé, franchement avant-gardiste pour l’époque, sans doute "trop" en avance sur son temps justement !
Viennent ensuite les 3 bonus instrumentaux rassemblés sous le titre générique "cumulo nimbus", et qui pourraient passer pour des morceaux originaux tant ils collent à l’esprit des précédents. A noter en particulier le court (1’56 ) mais splendide "in the mist", qui plonge l’auditeur dans un bien-être sans égal. Magnifique !
Comme ce disque est surprenant : on a en effet peine à imaginer que le même groupe ait produit des morceaux à l’esprit si différent.
D’un côté, du néo-prog à la mode "eighties", tourné vers les références que je citais plus haut. A une exception près, ces titres sont finalement plutôt sympathiques.
De l’autre, une œuvre hautement originale et riche, qui défrichait déjà le chemin qu’allaient emprunter les acteurs du renouveau "progressif" des années 2000 (courant hard prog mis à part). La découverte de ces six derniers morceaux légitime à elle seule cette réédition que Musea a décidément été bien inspiré de produire.
Serge Llorente
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