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Je suis ravi de chroniquer cet album, car les 2 premières auto-productions de Nil ("Nil" en 1998 et "Nocturnes" en 1999) m’avaient assez impressionné. Le son laissait à désirer, mais la formation d’Annecy développait alors une musique atmosphérique et éclectique qui ne pouvait laisser personne indifférent. Ensuite, je me suis pris d’affection pour Thork, projet alternatif de la nébuleuse Nil. Ayant pu discuter avec le bassiste Samuel Maurin au Prog Sud 2001, j’ai pu apprendre que Nil était un collectif de musiciens haut-savoyards professionnels d’horizons différents (rock, classique, jazz…) aimant jouer les uns avec les autres au hasard de projets différents. Il y a certes les progressifs Nil et Thork, mais également le folk Baba Yaga, l’électronique Brasse Taferaï ainsi que le jazz-fusion PR12. Fou, non ? Je lui avais alors parlé du chant, à mon avis le point faible de Nil et de Thork en lui glissant qu’une chanteuse me semblait appropriée à leur musique… Mon vœux a été exaucé puisque Roselyne Berthet assure aujourd’hui la quasi intégralité des lignes vocales de "Quarante jours sur le Nil" ! Le chant sublime de Eric Vedovati vient illuminer la fin de l’album : rarement un chanteur français m’aura autant touché… Cet album marque vraiment une grosse évolution dans l’art du groupe. Le son et l’instrumentation tout d’abord : la production est irréprochable, et les instruments (flûte, clarinette, harpe, saxophone et violoncelle) parfaitement mixés. L’inspiration et l’iconographie ensuite : la lecture de 24 livres d’égyptologie a été nécessaire pour mettre au point le concept de "Quarante jours sur le Nil". L’histoire est relatée au détour d’un livret bilingue de 20 pages ! Les compositions enfin : deux suites à tiroir de 36 et 26 minutes, scindées en 29 plages, constituent le concept. Fabuleux !! Musicalement, Nil semble très influencé par les dissonances et l’incandescence de King Crimson… Dire que "Quarante…" est très aventureux est un doux euphémisme ! Cet album est une invitation au voyage dans l’Egypte ancienne au détour de tableaux impressionnistes d’une très grande beauté harmonique. Passages calmes avec harpe et violoncelle à la XII Alfonso succèdent à moments de très grande tension et de frénésie à la Taal où la guitare s’embrase et la batterie explose. Nil est, à mon avis, aujourd’hui nettement meilleur qu’un King Crimson incapable de se renouveler (et Dieu sait si j’aime le roi cramoisi). Nil représente, avec Taal, l’avenir du rock progressif français, celui qui va de l’avant, capable d’étonner, d’émouvoir, voire même de dérouter l’auditeur. Pas facile d’accès je vous l’accorde (bien que toujours très musical, Nil n’est heureusement pas Nebelnest), mais hautement jouissif…
Hubert Allusson
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