No-Man : Mixtaped (2010 - 2 dvd - parue dans le Koid9 n°73)
No-Man c?est un peu la madeleine de Proust de Steven Wilson. En co-fondant le groupe avec Tim Bowness dès la fin des années 80, le futur leader du massif Porcupine Tree allait perturber jusqu?à la presse anglaise qui voyait en eux le groupe "le plus important depuis les Smiths, [?] le plus sous-estimé des vingt dernières années". Rien que ça ! Le documentaire disponible sur le second disque, "Returning" (85 minutes formidables), permettra d?ailleurs de se faire une petite idée de l?histoire, complexe, de cette musique de plume pourvue d?une discographie pour amateurs d?archéologie ou de mathématiques appliquées : on en compte ainsi plus les singles, EP, albums studio certifiés ou non et versions alternatives pour faire bonne mesure. Inutile de dire que ce double-DVD, magnifique de présentation et de qualité image/montage/son, s?avère immédiatement indispensable à tous les amateurs et immanquable aux curieux de passage. On découvrira un duo détendu, qui ne mégote pas devant quelques pointes d?humour (l?anecdote de la maison de disque qui les a lâchés) et quelques réflexions sur deux carrières aussi opposées : Bowness condamné à l?ombre et Wilson à la lumière de ses luxueuses productions. Passionnant, pour les anglophones. Le concert proposé, quant à lui, pointe un autre paradoxe de No-Man. Enregistré en août 2008 dans la salle confidentielle du Bush Hall de Londres, les quatorze chansons s?offrent un glacis à la fois sobre et modeste. Avec Ben Coleman au violon, la mélancolie déployée est à son comble mais curieusement, ne perce jamais comme sur les versions studio. La faute, probablement, aux images, qui nuisent à la portée spectrale et cinématique d?une musique de limbes avant tout destinée aux belles et tristes rêveries. Le duo, sans conteste, vaut son pesant de cacahuètes, avec la voix trop rare de Tim Bowness, écorché vif par tant de ballades tremblées, chassant le pétillant pour plier des histoires cabossées, défaites par la vie. A ce jeu, il illumine le tout de sa démarche brisée. Et dernier paradoxe, c?est en fermant les yeux devant ce film de grande qualité, que nos pupilles s?illuminent brusquement face à tant d?étincelles. Cyrille Delanlssays |