Oceansize : Frames (2007 - cd - parue dans le Koid9 n°64)
Troisième album pour ce groupe anglais assez inclassable, qui semble hésiter entre la fureur d'un metal industriel, plus progressif mais brutal à la manière de Tool ou encore le punk, et puis le post rock le plus paisible, le rock progressif planant, et une pop intimiste ! Oceansize vient de signer avec un nouveau label qui émane d'InsideOut Music, créé spécialement à cette occasion : Superball Music. Le groupe délivre ici son album le plus mélodique et le plus accessible – de loin. Ouvertement, les quatre musiciens ont privilégié les atmosphères planantes, et même un certain côté pop/rock. Pourtant, aucun morceau ne fait moins de 6:30 ! Sur ces 8 pièces (qui totalisent 66 minutes !), plusieurs dépassent les 8 minutes, deux font au-delà de 10. C'est dire que ce n'est pas un album commercial ! Parlons déjà de ce qui ne plaira probablement pas à l'amateur de progressif moyen : c'est essentiellement le morceau étrange et très agressif "sleeping dogs and dead lions" en avant-dernière plage, un déluge de notes brutales et de chant braillard, pourtant interrompu ici et là par un refrain bien plus léger. Et ça dure, ça dure. Pour le reste, à part le plus rock mais relativement accrocheur "Unfamiliar", "Frames" est plutôt planant, avec des crescendos lyriques, tragiques, beaucoup de mélancolie. Les arrangements incluent pas mal de claviers (piano électrique réverbéré, orgues, mellotron, etc.), quelques rares boucles rythmiques et même des orchestrations de cordes. Néanmoins, le jeu de batterie est par contre assez complexe et fouillé, même sur les titres plus calmes. Le groupe reste un peu expérimental, comme sur le long instrumental assez statique de 10 minutes "an old friend of the christies". Sur le reste, la voix est un peu geignarde, medium/aiguë et éraillée, façon Jeff Buckley ou encore Thom Yorke (Radiohead) mais en mieux et souvent traitée (déphasée), soutenue par quelques chœurs. Par moments, comme sur le très lent "savant" ou "the frames", on croirait entendre le soi-disant "post-rock" pastoral de Sigur Ros période "Takk" (une influence évidente, déjà entendue chez eux auparavant). On pensera aussi à un certain aspect de Porcupine Tree. Les guitares aux sons cristallins ou plus sales, réverbérées, métalliques, semblent parfois inspirées par certains groupes "new wave" du début des années 80, comme chez Pure Reason Revolution et tant d'autres groupes actuels. Certains parlent d'originalité à ce niveau mais devraient compléter leur culture musicale. Le défaut de "Frames" est une certaine tendance à la répétition, à la dilution, un manque de réelles parties solistes mélodiques et construites. Comme d'habitude chez ces groupes, on joue sur la saturation des guitares. Je ne vois pas où se situe la prétendue "virtuosité" vantée par certains… Sur le plan des structures rythmiques, éventuellement, oui, mais pour le reste… Comparé à Radiohead, c'est sûr que Oceansize est un groupe de virtuoses, tout est relatif ! Heureusement, la complexité n'est pas une fin en soi. Peu importe, après tout. Laissons ce discours aux intellos du rock (et je ne parle pas spécialement ici des amateurs de rock progressif !), dont le manque de culture et de bagage musical est aussi grand que celui des autres "mélomanes" sectaires. Contentons nous d'apprécier ce groupe qui signe ici plusieurs très beaux morceaux assez développés, à même de plaire au public du rock progressif et qui, on l'espère, continuera à peaufiner sa musique dans cette voix plus mélodique. Marc Moingeon |