Ryo Okumoto : Coming Through (2002 - cd - parue dans le Koid9 n°44)
Il est clair que ça bouge un max dans la famille Spock’s Beard ces derniers temps. Après l’incroyable nouvelle du "split" de Neal Morse et les parutions discographiques respectives (et ma foi fort réussies) de ses petits camarades Neal & Nick, c’est au tour du claviériste Ryo de se prêter à l’exercice de l’album solo. Enfin, façon de parler quand on découvre avec stupéfaction la liste impressionnante des invités qui figurent sur l’album, jugez plutôt : Bobby Kimball, Steve Lukather, Simon Philips, Neal Morse (encore lui !), Nick D’Virgilio, Dave Meros, Alan Morse, Glenn Hughes, Dave Carpenter, Michael Landau et Kenny Wild ! Bref, une formation haut de gamme qui réunie tout de même la "Spock’s Beard team" au grand complet, doublée (entre autres) d’une partie non négligeable du line-up de…Toto ! On pouvait imaginer pire pour un simple opus en solitaire non ? Cette réunion géniale et "fourre-tout" illustre parfaitement le contenu indéniablement hétéroclite de notre joyeuse et détonnante galette, placée sous le signe de la diversité des styles et du véritable plaisir de jouer. En effet, le bourreau frappadingue des claviers nous propose avec "Coming through" une improbable collection de 8 pièces musicales, qui donnent aussi bien dans le registre progressif (orientation "symphonique") que dans le jazz-rock débridé, la chanson pop, l’A.O.R de bonne facture ou voir même carrément la funky music ! Bref, on est très loin ici des productions solo habituelles de tous les "keyboard’s heroes" du progressif. Rien à voir ici par exemple avec le "Pinup guru" de Thomas Bodin, qui reste voué à la simple exploitation massive de ses nombreux claviers, dans la plus pure tradition musicale de son groupe d’origine. A défaut de nous faire l’étalage de sa virtuosité durant près d’une heure, l’ami Ryo opte quant à lui pour le véritable jeu de groupe en usant de son statut de leader qu’avec parcimonie, et tout en choisissant de nous offrir un large panorama de ses influences et différents styles musicaux affectionnés. Ceci s’explique également du fait que notre japonais préféré est depuis très longtemps musicien de session, ce qui l’a amené à collaborer par le passé et à de nombreuses reprises avec toute une pléiade d’artistes (citons pêle-mêle les plus célèbres : Phil Collins, Eric Clapton, Aretha Franklin, Kitaro… Quand je vous parlais un peu plus haut d’éclectisme !). "Coming through" est un album réellement enthousiasmant et surprenant, au travers lequel son géniteur se lâche totalement sans rechigner à se faire plaisir (allant jusqu’à faire participer son jeune fils de onze ans à la batterie sur un titre !). Aussi peu cohérent dans la forme qu’il peut l’être lors d’une écoute en intégralité, "Coming thought" se délecte sans modération et défile sans le moindre temps morts ni à-coups. On passe en effet allègrement du jazz-rock en folie de "godzilla vs king ghidarah" (sympathique clin d’œil à la pop-culture nippone !) à "slipping down" et ses chœurs tout droit sortis d’un album de Prince. Puis on enchaîne un peu plus loin avec "slipping down (amusant cocktail disco/rock où Glenn Hugues s’époumone avec entrain) et "free fall", ballade aérienne à la ligne mélodique imparable que ne renierait pas Neal Morse dans l’un de ses propres opus en solitaire. Notons également à l’attention des puristes du progressif la présence d’un morceau de bravoure de 19 minutes (intitulé "close enough"), co-signé par Neal Morse, et interprété au chant par l’excellent Bobby Kimball. Dans ce dernier cas, on en prend en effet plein les cages à miel pour ce qui est des soli enfiévrés de mini-moog et d’orgue Hammond, sur fond de nappes de mellotron. Comme quoi vraiment tout le monde est content avec cet album !Voilà donc une œuvre qui apporte une nouvelle preuve du potentiel des musiciens de Spock’s Beard, et qui quelque part rassure sur l’avenir de ce groupe, véritable coqueluche du rock progressif que certain auraient tendance à trop vite vouloir enterrer. Et quant à notre ami Neal Morse, m’est avis également qu’on a pas finit d’entendre parler de lui… Philippe Vallin |