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Phideaux : Doomsday Afternoon (2007 - cd - parue dans le Koid9 n°62)

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Phideaux Xavier l'avait promis pour l'été et n'a pas menti : "Doomsday afternoon", le sixième album de Phideaux devrait être tout juste disponible au moment où vous lirez ces lignes, et probablement en direct auprès du groupe lorsqu'il jouera au festival de Saint-Palais-sur-Mer le week-end du 16 au 18 août prochain. Sachez que notre Californien au nom français a fait un très gros effort financier pour venir et ce sera avec pas moins de 11 musiciens sur scène ! Il ne fait pas les choses à moitié - et en studio non plus ! Le projet Phideaux, c'est un peu comme une grande famille, vous le savez si vous avez lu l'interview de Xavier dans le Koid'9 n°61. Pour "Doomsday afternoon", le multi-instrumentiste a de plus intégré quelques nouvelles recrues et bien souvent, c'est grâce à Internet et notamment à la communauté MySpace que ces rencontres se sont faites.

En fait, la liste des musiciens jouant sur cet album est longue, surtout qu'on y retrouve 15 membres du Los Angeles Phiharmonic Orchestra (cordes, bois, cuivres). Ceux-ci interviennent sur 4 morceaux, en particulier les plus longs et leur contribution est vraiment excellente.

Le groupe s'est trouvé un nouveau bassiste, Matthew Kennedy et a récupéré le claviériste Mark Sherkus (avec toujours des claviers analogiques). A part Gabriel Moffat (ingénieur du son et guitariste !), on retrouve les quatre vocalistes féminines qui contribuent non seulement à des chœurs mais chantent parfois en duo avec Phideaux - ou seules ! Quant à ce dernier, outre le chant, il se charge des guitares acoustiques et d'une partie du piano, ce dernier instrument figurant sur tous les morceaux ou presque.

Parmi les invités : un guitariste soliste sur deux titres (Joel Weinstein), Martin Orford d'IQ pour un beau solo de synthé, et Matthew Parmenter de Discipline, au violon sur quatre morceaux, également deux flûtistes (Steve Dundon, Rob Martino), un nouveau claviériste qui sera sur scène avec le groupe, Johnny Unicorn, et Patti Amelotte joue du dulcimer sur deux titres. On note encore un solo de clavier par Martin Orford et enfin Arjen Lucassen, qui n'a pu contribué musicalement, a quand même murmuré quelques mots d'encouragement que l'on peut entendre sur la fin de l'album.

Ce qu'il y a d'assez étonnant chez Phideaux, c'est que ses albums ne se ressemblent pas… Nous voici déjà à son 6ème opus en 4 ans et celui-ci marque encore une nouvelle évolution. Les amateurs de progressif purs et durs qui grognent un peu dès qu'un morceau fait moins de 6 minutes devraient être satisfaits avec celui-ci… Il s'agit en fait d'une longue suite de dix morceaux accolés ou enchaînés dont cinq atteignent 8, 9, 11 et même 14 minutes. J'en vois déjà qui se lamentent en déduisant qu'il doit y avoir cinq autres morceaux qui sont courts ! Arrêtez… le tout fait cette fois 67 minutes et tout est intégré dans une suite… avec quelques reprises de thèmes, etc. Et puis c'est un concept… alors les intégristes du prog, ça vous suffit ?!

Le concept, c'est une fable ou plutôt une "histoire d'horreur écologique", ainsi que le compositeur l'a décrite lui-même, le deuxième volet d'une trilogie, dont le premier était "The great leap".

Musicalement, "Doomsday afternoon" est bien différent et à mon humble avis nettement supérieur au précédent. Pas parce qu'il est plus progressif… "The great leap" avait des structures changeantes sur des titres de 5-6 minutes… Evidemment, celui-ci est bien plus complexe mais la raison principale en est plutôt que l'album est franchement symphonique, à la fois plus calme et plus fort, mélodiquement parlant. Beaucoup de passages intimistes, pastoraux, ou bien épiques et plus majestueux où se mêlent teintes classiques, folk et progressives, avec toujours ces traces de psychédélisme inévitables dans la musique de Xavier. Ce dernier signe l'intégralité de la musique seul, à part deux morceaux avec son vieux compère, le batteur Rich Hutchins (dont le jeu est ici remarquable) et les orchestrations réalisées par Paul Rudolph. De nombreuses sections instrumentales parfois très conséquentes s'intercalent entre les parties vocales. Et le tout reste superbement accessible.

A la différence d'autres groupes où les influences sont trop évidentes, celle de Phideaux sont bien digérées, même si on peut trouver ici quelques similitudes avec des influences favorites de Xavier : le Jethro Tull de "A passion play" et "Thick as a brick", certains groupes progressifs italiens des années 70, Genesis, Camel et bien sûr, Pink Floyd. J'y rajouterai Renaissance. Mais pourtant, c'est bien d'une musique originale qu'il s'agit. L'album est séparé en deux "actes" de 30 et 37 minutes, chacun étant composé de cinq titres.

Le premier acte démarre par "micro softdeathstar", une suite de 11 minutes véritablement dépaysante, aux multiples sections, à la fois orchestrale, orientalisante, psychédélique… Xavier délivre une performance vocale attachante, aidé de ses amies vocalistes. Voici un musicien qui n'est pas le meilleur chanteur du monde mais sa voix haut perchée est toujours juste et sensible, parfois émouvante dans les mouvements intimistes. "The doctrine of eternal ice (part 1)" est un titre entraînant, franchement symphonique aux teintes orientalisantes et folk à la fois, dirigé par le piano, synthés, guitares électriques et orchestre. "Candybrain" est plus planant, avec orgue, harmonies de guitare électrique, guitare acoustique et flûte, reprenant un thème du premier morceau. Un moment vraiment magique est le court mais émouvant "crumble", interprété en instrumental avec des vocalises éthérées de Valérie Gracious, piano, orgue (façon Tony Banks vers 70-72 !) et orchestre, un peu de guitare "lapsteel". Enfin, "the doctrine of eternal ice (part 2)" est un peu plus synthétique et psychédélique, avec un long développement instrumental.

La deuxième partie est encore plus symphonique et plus belle que la première. "Thank you for the evil" rappellera peut-être à certains les parties plus calmes et planantes du mésestimé chef-d'œuvre de Pink Floyd, "Animals". La mélodie mélancolique chantée par les voix de Phideaux et de ses amies se déploie sur un mélange très particulier de synthés futuristes, de piano électrique et de guitares acoustiques et électriques, soutenus par une section rythmique solide où la basse participe à la mélodie. Et cela s'enchaîne sur une courte pièce purement symphonique avec violon et flûte pastorale ("a wasteland of memories"). On touche à la musique de film orchestrale… Disons le, c'est tout simplement beau. C'est une nouvelle version de "crumble" qui s'y enchaîne simplement… avec cette mélodie simple au piano et la voix touchante et cristalline de Valérie Gracious (qui mérite vraiment son nom !). Le long et changeant "formaldehyde" est plus dynamique et plus typiquement progressif (pas mal de changements de rythme) et enfin l'énorme "microdeath softstar" reprend tous les éléments présents dans l'album et le termine de manière majestueuse, encore que la fin soit très paisible et intimiste, comme son début… La boucle est bouclée - et avec quelle classe !

Au fait, vous ai-je dit que la production de cet album est excellente ? L'orchestre est parfaitement mixé au reste des instruments, et chacun de ceux-ci est clairement audible, ce qui constitue un exploit vu la richesse des arrangements.

"Doomsday" est d'ores et déjà l'album le plus achevé et le plus complexe de Phideaux, peut-être son plus beau également. Et quand les textes ont en plus beaucoup de sens… c'est la cerise sur le gâteau. Alors, chef d'œuvre ? Je ne le dis pas souvent et seul le test des années permet de le confirmer, mais "Doomsday afternoon" est bien parti pour mériter ce qualificatif, oui. C'est en tout cas l'album de l'année. Indispensable !

Marc Moingeon

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