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Non, Chris Squire n’a pas visionné "Les choristes" en version anglaise sous-titrée avant d’entamer son deuxième (seulement !) album solo. La pierre angulaire de tous les Yes qu’ils soient avec Wakeman ou Moraz ; avec Trevor Rabbin et Tony Kaye ou sans, séparés puis ressuscités était bel et bien enfant de chœur quand il était môme et semble s’en être souvenu à l’automne de sa vie…
Jadis, son meilleur pote, enfant de chœur lui aussi, était Andrew Jackman avec qui ils formeraient le groupe The Syn, avant Yes. Andrew participera aussi à l’élaboration du premier album de Chris ("Fish out of water"). Décédé en 2003, Andrew Jackman avait deux frangins, Greg, qui a enregistré et mixé cet album-ci et Jeremy, qui a longtemps sévi dans un de ces groupes où l’on chante a capella, The King’s singers avant d’avoir son propre groupe choral The English Baroque Choir. C’est ce dernier qui officie sur ce "Swiss choir". Tous les éléments étaient donc réunis pour la ponte de cette étrangeté (car c’en est une !). Manquait juste une chose, un instrument : une guitare. Squire appelle alors ses potes Jeff Beck et Brian May mais ceux-ci sont occupés. Son batteur, Jeremy Stacey, qui avec le clavier ici présent Gerard Johnson (par ailleurs producteur de l’album) avait participé à la reformation vite avortée de The Syn en 2004, lui suggère : "pourquoi ne ferais-tu pas appel à Steve Hackett ? Son studio est à deux pas d’ici et son jeu de guitare irait parfaitement avec le projet." Squire raconte : "Je ne connaissais pas Steve. J’avais dû le voir une fois jouer avec GTR au Brésil. On s’était dit juste bonjour bonsoir, comment allez vous… Je viens donc dans son studio de Tottenham lui faire écouter mes démos et je lui demande : tu voudrais jouer sur un ou deux morceaux ? Et Steve me répond : Non. Sur tous !"
Voilà comment deux monstres sacrés de la prog se sont trouvés réunis. Malheureusement pas pour le meilleur. Ce "Swiss choir" (à prononcer comme si vous deviez dire "Chris Squire" la bouche pleine) déplaira à tous ceux pour qui chœurs et chansons de Noël sont incompatibles avec leurs mœurs musicales. C’est fort bien chanté, certes, et bien joué, pas de souci là-dessus. Certains de ces chants de Noël ne sont pas inconnus, du reste : "Silent night" (douuuuce, nuit, sainainainte nuit…), "I saw three ships" et "ding dong Merrily on high" et son refrain "gloria hosanna, in excelsis deo.." ; ceux qui ont vu Dieu au moins une fois dans leur vie se souviennent de tout ça… Mais on attendait autre chose de l’immense bassiste pour son deuxième album solo en… trente deux ans ! (il en avait sorti un autre en 1981 avec Alan White : "Run with the fox" dont le morceau titre est repris ici. Avec les chœurs à la place des vocaux, rien de plus.
On a donc du mal et la terrible pochette façon "tradition de Noël" nous avait averti ! O-K, lorsque le tempo "rock" vient se greffer sur l’intro chantée, le contraste a de quoi étonner puis plaire à la longue (cf "Adam lay y’bounden" ou encore "past three o’clock" les deux morceaux où la guitare Hackettienne est la plus présente). Mais le côté liturgique de la chose a de quoi faire bailler, notamment sur "silent night" qui, malgré la douce acoustique guitare de Steve, a de quoi endormir pour le compte. Chris s’est fait plaisir, oui, on est content pour lui, mais son idée inédite ne pourra pas plaire à tout le monde. Une bonne nouvelle quand même : selon un échange de bons procédés, Squire fera partie du projet électrique de Steve Hackett en compagnie du batteur Simon Philips (Toto).
Sûr que le résultat sera plus… énergique.
Jean-Marie Lanoë
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