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Ce formidable package, remastérisé comme il se doit par Hip O Records (sous-label de Universal Music) nous permet de revenir sur les dix premières années d'existence de Styx.
L'histoire du groupe commence en 1964, dans un garage de la banlieue sud de Chicago, lorsque que les jumeaux John et Chuck Panozzo, batteur et bassiste, alors âgés de 12 ans, décident de répéter avec l'accordéoniste Dennis DeYoung. A l'âge de 16 ans, Dennis opte alors pour les claviers. Le guitariste John Curulewski intègre le groupe qui se produit dans les bars avec un répertoire constitué de reprises, sous le nom de The Tradewinds, puis de TW4. Les Beatles sont alors l'influence principale de la jeune formation. Il faut attendre 1970 et l'arrivée du second guitariste James Young (surnommé JY), aux influences hendrixiennes plus sauvages, pour que le groupe rebaptisé Styx (du nom de la rivière qui sépare le purgatoire de l'enfer) décroche un contrat discographique avec Wooden Nickel (sous-label de RCA). Si John et Chuck sont les fondateurs du groupe, Dennis en est l'âme et JY le "business-man". Musicalement, Styx est un hydre à deux têtes : Dennis, à la voix douce et haute, incarne le romantisme, tandis que JY, au chant viril et virulent, insuffle la fougue. C'est cette dualité, rencontre du rock progressif d'inspiration britannique (ELP, Yes) avec le rock "ouvrier" américain, qui va intéresser le producteur Bill Traut.
Le 1er album, simplement intitulé "Styx", paraît début 1972, célébrant un heavy progressif d'excellente facture. La maison de disque exige que la majorité des titres soient des reprises. Les morceaux originaux sont toutefois les plus remarquables. L'album s'ouvre par la suite de 13mn "movement for the common man", composé de deux titres phares : le fameux "children of the land", sorte de "highway star" composé et chanté par Young, ainsi que "mother nature's matinee", co-écrit par Young et DeYoung avec une partie vocale confondante d'émotion. "Best thing", single qui intègre le top 100, est le troisième -et dernier- titre original, chanté en duo par JY et Dennis. L'autre moment fort s'avère la ballade romantique "what has come between us" avec ses chœurs suraigus à la Vanilla Fudge et merveilleusement chanté par DeYoung. Les 3 derniers morceaux interprétés par JY, sans atteindre les même sommets, demeurent intéressants, explorant country-rock ("right away"), blues ("after you leave me") et hard-funk ("quick is the beat of my heart"). Styx apprend à ses dépens qu'enregistrer un disque ne signifie pas automatiquement vivre de son art. Dennis enseigne la musique, Chuck est professeur d'art, tandis que JY, diplômé de mécanique et ingénieur en aérospatiale, se retrouve chauffeur de taxi.
Début 73, paraît "Styx II", exclusivement constitué de titres originaux. James Young est ici complètement absent de l'écriture, assurée par Dennis (5 morceaux) et John Curulewski (2 chansons). Ce dernier apporte "a day" superbe épique de 8 minutes qui enchante la première face, tandis que DeYoung nous offre "little fugue in G/father OSA" (également 8 minutes) illuminant la seconde. "You need love" et "earl of roseland", chantés respectivement par JY et Dennis, sont deux chansons dynamiques fort appréciables, alors que les courts "you better ask" et "I'm gonna you feel it" n'offrent que peu d'intérêt. "Styx II" est surtout connu pour le single "lady", une ballade/boléro composée par Dennis en l'honneur de sa femme Suzanne. "Lady" va connaître un succès énorme. La station radio WLS décide de programmer la chanson jusqu'à ce qu'elle devienne un tube : deux ans plus tard, en janvier 75, elle intègre la 6ème place du top 40… Et cela sans aucun soutien financier de Wooden Nickel !
Entre temps, Styx aura sorti deux autres albums studio, aux piètres performances commerciales. Comme "Styx II", l'étonnant "The serpent is rising" sort en 1973, mais ce dernier est en diamétralement opposé : la musique est nettement plus rageuse. James Young affiche un énergie renouvelée, tandis que Dennis DeYoung est plus en retrait. JY signe deux brûlots incendiaires : "witch wolf" et "young man", au solo d'orgue halluciné. Il chante également deux compositions très dynamiques de DeYoung ("winner takes all" et l'excellent "Jonas Psalter"). Curulewski n'est pas en reste car il signe pas moins de 4 titres dont l'éponyme. "The serpent is rising" est époustouflant : un hymne au riff plombé, à la voix écorchée. Dennis ne chante qu'un seul titre, le fulgurant "the grove of eglantine", introduit par un clavecin, doublé par la guitare acoustique. "The serpent is rising" est sans doute l'album le plus "heavy" de Styx, fruit d'une collaboration étroite entre les deux guitaristes, Young et Curulewski, mais qui demeure le moins apprécié par les fans du groupe… Le hargneux "young man" est choisi comme single avec en face B l'inédit "unfinished song", également présent en "bonus" dans la collection "The complete Wooden Nickel recordings".
En 1974, paraît le dernier (et meilleur) album de l'ère Wooden Nickel, "Man of miracles" qui anticipe le grand Styx de "The grand illusion". DeYoung retrouve ici son aura avec 4 compositions d'envergure. Il offre un symphonisme flamboyant avec "golden lark" et "a song for Suzanne" : présence d'un orchestre à corde sur le premier et de synthétiseurs grandioses sur le second. Avec "evil eyes", c'est à une sorte de blues emphatique que nous avons à faire, tandis que "Christopher, mr Christopher" est une chanson pieuse à la mélodie évidente, aux chœurs déclamés à 3 voix et au symphonisme raffiné. Sur les 5 compositions de James Young, seules deux valent vraiment le détour : le pompeux "man of miracles" (co-signé avec Dennis DeYoung) aux relents de péplum (avec timbales, synthés, chœurs chargés et gros son) et "southern woman", au tempo enlevé, croisement de ZZTop et de Deep Purple. Un bien bel album qui demeure malheureusement la plus mauvaise vente de Styx…
Devant le peu d'intérêt que manifeste RCA pour promouvoir le groupe, Styx décide de profiter du succès inattendu du 45 tours "lady" pour signer sur A&M et réalise le fameux "Equinox" (1975). Curulewski part peu après, remplacé par le "sudiste" Tommy Shaw (natif d'Alabama). A partir de là, Styx va connaître une ascension fulgurante qui va le propulser parmi les 5 plus grands groupes américains de la fin des années 70. Curulewski décèdera malheureusement dans l'indifférence générale en 1988. "The complete Wooden Nickel recordings" est à posséder impérativement, d'autant que vous pouvez le trouver (avec livret de 16 pages, mini historique et reproduction des pochettes des 4 albums) pour moins de 15 euros.
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