(1245 mots dans ce texte ) - lu : 734 Fois
Le sixième album studio des Américains rois du prog metal à consonance "néo-classique" est aussi leur album le plus contrasté, celui qui contient leurs morceaux les plus agressifs mais aussi leurs pièces les plus symphoniques…
Le groupe – pour ceux qui ont le temps et les moyens de se tenir au courant – avait clairement prévenu ses fans : "The odyssey" aurait des guitares mixées plus en avant avec un son très lourd et un chant plus brut.
En réaction à la grandeur symphonique de "V, le groupe a probablement voulu redonner un petit coup d’agressivité à son nouveau répertoire.
Eh bien c’est gagné ! Le public qui ne connaîtrait que "V" pourrait bien être dérouté, voire rebuté par "The odyssey" car les trois premiers morceaux de l’album, "inferno" (5:32), "wicked" (5:30) et "incantations of the apprentice" (4:19) sont sans aucun doute parmi les plus violents du groupe. Les influences de Michael Romeo, principale force créative du groupe, sont assez variées, allant d’un très large éventail de musique classique au metal traditionnel (Rainbow, Dio, le Black Sabbath période R.J Dio, les vieux Judas Priest) en passant par les grands groupes progressifs des seventies et des groupes plus récents comme Metallica. On peut donc s’attendre à des surprises !
Résultat, ces trois titres ne font pas trop guère néoclassiques, ou plutôt ils intègrent des éléments assez disparates, comme par exemple "of sins and shadows" qui ouvrait "The divine wings of tragedy" : son de guitare archi-compressé, batterie mise en avant avec un son très net, riffs et rythmes hachés avec accélérations fulgurantes dans des parties plus linéaires… Mais cette fois Russell Allen pousse sa voix au maximum, rugissant comme un lion. Effet choc garanti ! On ne peut pas dire que les morceaux ne soient pas mélodiques car si le couplet est très pesant, il y a toujours un pré-refrain plus léger et un thème principal plus mélodique (superbe sur "wicked"), voire un break avec un thème secondaire lui aussi plus subtil. Dans le même style, on trouve aussi le plus long "kings of terrors" (6 :16) inspiré par une nouvelle de Poe (ça vous donne une idée de l’ambiance) et "the turning" (4 :42).
Avec Symphony X, il ne faut pas non plus se fier à la longueur des morceaux pour juger de leur complexité… Tous les morceaux recèlent des structures très élaborées, et toutes sauf régulières ou monotones, intégrant des parties instrumentales passionnantes… Il s’en passe parfois presque trop en peu de temps car les tempos de base sont majoritairement rapides. Mais Symphony X concilie tout ceci avec une structure couplet/pré-refrain/refrain très cohérente. Leur musique est puissante, complexe mais certainement pas chaotique.
Le reproche que l’on peut faire sur ces titres, c’est que Michael Pinella semble presque absent aux claviers car trop mixés en arrière, et ne se signale surtout que par ses solos en duo avec Romeo, plus une orchestration symphonique par moments et une ou deux intros dramatiques.
Le reste consiste en 3 morceaux qui représentent pourtant 40 minutes, soit la majorité de l’album ! Et c’est sûrement là que l’amateur de progressif mélodique et symphonique trouvera plus facilement son compte car le groupe s’y est surpassé ! Les claviers qui se laissaient désirer sont ici prépondérants. "The accolade II" (qui fait quelques clins d’œil à des thèmes du 3ème album sur plus de 7 minutes) et "awakenings" (8:53) leur font la part belle, et le groupe prend une tournure définitivement plus progressive au sens habituel du terme, avec des arrangements orchestraux, des mélodies épiques où brille la voix plus claire et plus lyrique de Russell Allen et des solos splendides de Romeo qui ne se croit pas spécialement obligé de jouer très vite… Sur cet album, malgré ses quelques débordements presque trash, Allen confirme définitivement qu’il est l’un des tous meilleurs chanteurs actuels, doté non seulement d’une voix très juste et incroyablement puissante, mais aussi d’un registre étonnamment large et d’une énorme dose de feeling, rappelant assez souvent l’excellentissime Ronnie James Dio. Les autres ne sont pas en reste d’ailleurs et le mixage permet d’apprécier les qualités de chacun. Jason Rullo est un batteur assez démonstratif mais à la frappe riche, inventive et très précise, Michael Lepond possède un jeu de basse très mélodique et virtuose tandis que Michael Pinella peut aussi bien se défouler dans des solos de synthés très véloces que développer des petits passages intimistes au piano ou des orchestrations chaleureuses. Quant à Michael Romeo, le guitariste/compositeur, il ne se limite pas à des riffs épais ni à des démonstrations techniques stériles mais sait alterner passages débridés et envolées lyriques, influences classiques, hard et jazz-rock, frappant par sa fluidité et son aisance incroyable, même pour qui connaît tout le catalogue instrumental de Shrapnel Records (c’est mon cas !)… en tant que soliste, c’est un musicien d’une classe incroyable, enluminée par les claviers de Pinella avec lesquels il dialogue régulièrement, et sans jamais trop de "bavardages".
Le morceau de bravoure dont il signe seul la musique, "the odyssey", est la preuve de tout son talent : 24 minutes en sept parties avec une introduction digne des films d’aventures de pirates hollywoodiens (il avoue aussi un penchant pour les musiques de films orchestrales et le travail de John Williams, assez audible sur certains passages). Cette pièce, qui rappelle un peu par son ampleur "the divine wings of tragedy", alterne passages calmes avec une instrumentation acoustique et d’autres plus agressifs ("the eye"). Russell Allen y délivre une performance magistrale (même si parfois il pousse un peu trop sa voix). En 7 parties dont deux instrumentales, Symphony X nous démontre tout son pouvoir mélodique, sa maîtrise technique effarante, et nous fait voyager dans un univers mythologique (le sujet en est bien sûr l’Odyssée d’Ulysse) avec une musique tour à tour intimiste ou très orchestrale (les timbres de synthés sont assez surprenants de réalisme !) ou plus hard, avec en conclusion une des meilleures mélodies du groupe.
A noter, que l’édition spéciale inclut un livret plus fourni en photos, un CD plus richement décoré et surtout un excellent morceau bonus de 6 minutes, une version réenregistrée en 1998 de "masquerade", un titre aussi "néoclassique" que rapide, issu du premier album éponyme, bien mieux interprété ici.
Bien qu’étant un très bon album, où le groupe évite l’écueil de la répétition, "The odyssey" risque quand même de choquer un peu les allergiques au hard très lourd et en même temps de décevoir les hardeux de base qui grimacent en écoutant une ballade ou un morceau trop symphonique et pas heavy du tout…
Pourtant l’album possède non seulement de très bonnes mélodies et des performances instrumentales remarquables mais aussi un relief fort bien venu qui évite tout ennui sur la longueur.
Il ne s’agit certainement pas de musique à mettre en fond sonore mais qu’il faut au contraire écouter plusieurs fois de façon attentive pour bien s’en imprégner et en apprécier les nuances.
Le groupe sera à Paris avec Stratovarius le 19 avril prochain (seule date en France, comme d’hab’ !). Un spectacle à ne pas manquer en tout cas. Vous avez le temps d’apprendre les paroles par cœur d’ici là !
Marc Moingeon
Temps : 0.0395 seconde(s)