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Tori Amos : Scarlet's Walk (2002 - cd - parue dans le Koid9 n°44)

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Il est des voix qui déclenchent en moi un maelström d’émotions et engendrent un bien être indicible. Il en va ainsi du timbre si particulier de Peter Gabriel, que j’ai eu le bonheur de savourer à nouveau voici quelques mois après une trop longue absence. Parmi les représentantes du beau sexe, Tori Amos possède à mon sens l’un des organes les plus envoûtants de la production discographique (de qualité) actuelle. Entendons nous en effet : les hurleuses cathodiques dont on nous rebat quotidiennement les oreilles nous démontrent si besoin était les méfaits de la voix lorsqu’elle emprunte à la technique ce qu’elle n’a su trouver sur le versant du cœur ou de l’intelligence.

En l’occurrence, la composition et le piano ont toujours fait partie de la vie de Myra Ellen, élève au conservatoire dès l’âge de 5 ans, et qui se métamorphosera en Tori Amos 15 ans et de nombreux pianos bars plus tard.

On a beaucoup comparé Tori Amos à Kate Bush. L’une comme l’autre ont, il est vrai un jour, produit un tube planétaire ("crucify" pour Tori, "babooshka" pour Kate) qui les rendit célèbres. L’une comme l’autre ont également tourné le dos à la voie de la facilité, celle qui aurait consisté à continuer d’écrire ce qu’attendaient les majors et les radios, pour suivre au contraire le chemin que leur indiquait leur affect et leurs tripes.

Il en va ainsi chez Tori d’albums tels "Little earthquakes" (92), "Under the pink" (94) ou "From the choirgirl hotel" (98), des joyaux absolus de sensibilité servis par des compositions à l’intelligence rare.

Avec "To venus and back", Tori se permet en 1999 quelques digressions "technoïdes" sans pour autant que cette (légère) dérive électronique n’entame son capital de sensualité. "Scarlet’s walk" que je vais vous présenter aujourd’hui est le réel successeur de "To venus", après que Tori eût choisi en 2001 de revisiter quelques standards avec "Strange little girls".

En cette année palindrome, et après 5 "vrais albums donc, Tori a choisi d’emmener son fidèle Bösendorfer en pèlerinage sur les routes de "son" nouveau continent. Carte des états unis à l’appui, Scarlet nous livre en effet une chanson en guise de prétexte à chacun des 18 voyages qui l’ont menée des mégapoles surpeuplées aux fermes du Kansas, veillant à n’oublier aucun des 50 états de l’Union.

Je ne pense pas qu’il faille nécessairement chercher un lien entre ces 18 mélodies et les périples auxquels elles sont associées, (je ne l’ai pas toujours trouvé …) mais plutôt imaginer que des anecdotes ou rencontres ont inspiré notre voyageuse ici et là.

Le principal réside dans le fait que dès "amber waves", première escale du voyage, Tori/Scarlet nous livre le meilleur d’elle même tant au chant qu’au piano. L’aventure débute en Californie où Amber Waves, star du porno sur le déclin, attend Scarlet pour partager son voyage. Le personnage d’Amber donne en fait une nouvelle fois à Tori l’occasion, comme elle l’a toujours fait, de défendre la cause féministe.

Aux textes rose bonbon et à la mièvrerie qui constituent le fond de commerce de nombre d’artistes féminines, Tori oppose l’ironie maniée tel un scalpel, voire la provocation (le titre de l’album "Boys for pele", produit en 96, constitue un programme à lui seul, tout comme les photos qui ornent le livret de ce CD …).

C’est pourtant depuis toujours le charme qu’a choisi Tori pour défendre les justes causes, et le charme continue à l’évidence d’agir avec les 2 morceaux suivants, "a sorta fairytale" et "Wednesday" à la rythmique jubilatoire, avant que la fabuleuse orchestration et la magnifique harmonie de "strange" ne finissent de nous transporter sur les sommets de la sensualité. Cette balade constitue à mon sens l’une des plus belles réussites de cet album, le type de morceau que l’on savoure après une semaine de stress et qui vous réconcilie avec la vie !

Au chapitre des morceaux lents mais ô combien envoûtants, on appréciera également 6 escales plus loin le magnifique "you cloud", ou bien le morceau suivant "I can’t see New-York" qui traduit bien, cette fois-ci, le traumatisme post 11 septembre. Il est en effet vital de préciser à présent que le voyage qui a mené Tori à travers l’Amérique c’est celui de sa tournée 2001 qui vu les tragiques événements du 11 septembre.

Du coup, même si les thèmes habituellement chers à Tori Amos ne font pas défaut, on sent avec cet album une certaine volonté d’apaisement : "Scarlet’s walk" est globalement plus linéaire et probablement un peu moins innovant que ses précédentes œuvres, ce qui n’enlève rien pourtant à ses immenses qualités.

Revenons à l’œuvre justement avec le magnifique morceau éponyme, l’antépénultième de cette galette et dont la beauté n’a pas grand chose envier à "strange" : la voix de Tori est ici encore une fois idéalement accompagnée par l’ensemble des musiciens qu’il serait injuste de passer sous silence. J’ai nommé Matt Chamberlain aux percussions et à la batterie, John Evans à la basse et Mac Aladdin à la guitare.

A noter qu’au moment de passer à l’acte, ce que je vous recommande vivement de faire vous l’aurez compris, vous aurez le choix entre une version standard de cet opus et une édition limitée renfermant une série de photos du voyage et, sympathique initiative, un court DVD du "making of". A vous de voir !

"Scarlet’s walk" est un album à l’élégance indéniable, à côté duquel il serait dommage de passer, que vous connaissiez déjà ou non l’œuvre de Tori Amos. L’intelligence des compositions a de quoi ravir tout mélomane, cercle auquel l’amateur de progressif ne saurait être étranger, n’est il pas ?

Serge Llorente




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