Capharnaüm : Lesoleilestunebombeatomique (2006 - cd - parue dans le Koid9 n°63)
Amis migraineux ne vous détournez pas tout de suite car il n’y a pas de réel capharnaüm à craindre : si la musique ici présente est très élaborée, tout ici est écoutable et même fort intéressant. La démarche de ce groupe canadien, à ne pas confondre avec le groupe de prog-metal américain du même nom, est plutôt d’explorer les possibilités instrumentales inhérentes à leur constitution même : 2 guitares, une basse et une batterie. Stabilisé en 1998 à Montréal avec l’incorporation de l’excellent batteur Maxime Brisebois, le groupe s’est constitué autour du noyau dur constitué par les frères François et Marc-André Blanchard, passionnés de guitare depuis le berceau, complété par leur ami et néanmoins bassiste Philippe-Antoine Bernard. Et il semblerait que ces gars-là soient unis comme les 4 doigts de la main (hein ?) tant musicalement qu’humainement. J’avoue mon incompétence quant à juger des aspects humains les concernant, mais je me fais fort de combler ce manque par une analyse musicale très subjective et perspicace comme il se doit. Une chose est certaine dès les premières secondes : ce quatuor sait jouer et les amateurs de bonnes guitares, ou de rock instrumental en général, devraient y trouver leur intérêt sans aucun doute. Le moteur du groupe est cette parfaite interaction entre les 2 guitaristes, qui s’y entendent à entremêler leurs lignes sans se marcher dessus, le tout étant boosté par une paire rythmique nerveuse, précise et en mouvement perpétuel. En effet l’aspect le plus frappant est cette habilité des gratteux à se compléter sans empiéter sur le domaine de l’autre, aucun ne cherchant à ramener la couverture à lui. Pas de compétition, mais plutôt une saine émulation, comme on pouvait la voir chez les frères Alan et Neal Morse lors des anciens concerts de Spock’s Beard, quand ils nous offraient un duo de guitare éclatant de communion. Imaginez aussi un hypothétique duo entre Joe Satriani et Steve Vai (les gars de Capharnaüm n’ont aucunement à pâlir de la comparaison), les egos en moins, chacun cédant à l’autre la politesse à tour de rôle. Bonne ambiance, n’est-il pas ? Enregistrement et mixage sont de qualité et les sonorités, suffisamment variées pour relancer l’intérêt d’un album instrumental, sont à part égale entre claires et métalliques amplifiées, mais évitent l’aspect purement agressif du hard-prog. Autrement dit ils démontrent qu’il est possible de dégager une forte énergie, sans avoir besoin de saturer l’espace sonore ni de monter le son. Les moments solistes sont rares ou inexistants : la musique de Capharnaüm est une affaire de groupe un point c’est tout. Ce que j’ai apprécié avant tout, c’est que malgré toute la technique sous-jacente, absente de toute gratuité, la musique sait rester en permanence dans des contrées mélodiques, tout en osant s’aventurer sur des terrains moins balisés, vaguement crimsoniens, mais jamais arides. Le label de qualité Unicorn Digital réédite actuellement ce CD, sorti initialement l’an dernier de manière indépendante par le groupe mais bénéficiant forcément d’une visibilité limitée, et ce n’est que pure justice que de leur offrir ce tremplin. Ato-Michael Fligny |