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S'il constitue l'un des actes fondateurs du prog pour ne pas dire le tout premier morceau de prog, vous avouerez tout de même que "21st century schizoid man" est d'une agressivité rare et bourré d'un nombre de dissonances par mesure digne de figurer au "Guiness book of records". Bilan : il heurte de nombreuses oreilles.
Prenez un jazz-trio classique d'excellente facture, incluant si possible un ex-KC en la personne de Ian Wallace à la batterie. S'il pouvait comporter également Jody Nardone au piano et Tim Landers à la basse fretless (tous deux fans ultimes de KC) ce serait encore mieux. Enfermez ces trois compères à double tour avec comme mission de réinventer la musique de King Crimson version jazz-trio, et vous obtiendrez The Crimson Jazz Trio (ou CJ3 pour les intimes).
L'idée originale est en fait de Ian Wallace, on s'en doute, surtout qu'il est avant tout un batteur de jazz. Elle lui est venue alors qu'il était en tournée avec le 21st Century Schizoid Band.
J'ai été littéralement fasciné par cette interprétation piano-basse-batterie de "21st century schizoid man". Toutes les aspérités en sont comme gommées, les dissonances effacées mais les effets recherchés par les auteurs de ce chef d'oeuvre que sont Robert Fripp, Ian Macdonald, Greg Lake, Michael Giles et Pete Sinfield demeurent présents. Il s'agit de plus du morceau d'ouverture de l'album, comme il se doit !
La grosse claque d'entrée.
Ensuite, tout est à l'avenant, avec des versions d'une fidélité à l'esprit de KC toutes plus superbes que les autres. Fidèles à l'esprit, mais pas à la partition ni à l'orchestration, cela va de soi, avec une formation jazz classique ! La seule critique qu'on peut d'ailleurs faire à cette musique, c'est qu'elle est sans doute un peu trop conventionnelle. C'est vrai si on la considère comme un travail purement jazz-trio. Mais le propos du CJ3 n'est pas le jazz pur mais la musique de KC via le jazz. Ca change tout car l'auditeur n'attend plus du jazz mais du KC vu au travers du jazz.
A noter que le CJ3 ne sa cantonne pas aux premiers albums du Roi Pourpre, puisque dès le second morceau on attaque "three of a perfect pair", avec les mêmes effets "adoucissants" que pour "21st". Puis arrive l'incontournable "catfood" et une version scotchante de "starless". Suit "ladies of the road" avec un swing étonnant puis une version singulière et particulièrement longue et mélodique de "I talk to the wind", sur laquelle Ian Wallace joue tout en douceur, ce qui contraste avec le jeu puissant dont il fait preuve sur le morceau suivant : "red".
Pour conclure, le CJ3 a choisi un autre morceau de l'ère Belew : "matte kudesai", sur lequel la basse fretless fait des merveilles.
Ces interprétations magistrales sont à coup sûr à conseiller au progueux désireux de découvrir le jazz et ses sonorités (ne pas hésiter à monter le volume !). Il est clair qu'elles le sont beaucoup moins pour les adeptes du jazz, qui les trouveront sans doute beaucoup trop conventionnelles.
Il n'empêche qu'alors que le prog tourne lamentablement en rond, incapable qu'il est la plupart du temps d'inventer de nouvelles sonorités, de se renouveler, voici qu'il nous faut compter sur ce presque sexagénaire de Ian Wallace pour nous les apporter sur un plateau. Comme quoi, c'est bien toujours dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes. Rien que pour cela cet album méritait que je le place en tête de mon top ten 2005. Mais il a bien plus de choses que cela encore à vous révéler !
Benoît HerrTemps : 0.0235 seconde(s)