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Je ne prends pas grand risque Ă parier que Franck Carducci n’évoque pas grand-chose Ă l’immense majorité de notre lectorat, Ă commencer par votre serviteur qui l’a découvert Ă la faveur d’un sympathique email de l’auteur ayant transitĂ© par mon site web. Une situation guĂšre Ă©tonnante au demeurant, puisqu' "Oddity", sa toute première oeuvre, n’est disponible Ă la vente que depuis le 18 mai.
Avant d’en arriver lĂ ce multi-instrumentiste (il fait quasiment tout sur cet album) fut comme vous et moi bercĂ© par la musique des héros du prog, en même temps qu’il se forgeait une technique irréprochable Ă la guitare, la basse, au piano ou aux percussions, s’esquissant un improbable destin à lĂ Rémy Bricka, volatiles conchieurs et factures de pressing en moins ! La scène, qu’il pratique de par sa contribution Ă de nombreuses formations, l’amènera un jour de 2010 Ă une rencontre décisive avec le maestro Steve Hackett, qui viendra même le féliciter à l’issue de sa prestation. Ce divin adoubement décide Franck à transformer son rêve en réalité : produire un album, son album, empreint de sincérité et "dénué de concessions" comme il aime a l’écrire.
Une histoire somme toute banale si l’on considère la kyrielle d’albums autoproduits qui fleurissent chaque année. Sauf qu’ "Oddity" vaut vraiment la peine que l’on fasse fi des habituels préjugés réservés Ă ces efforts solo, certes méritoires mais trop souvent insipides ou bancals. ConstituĂ© de 5 titres originaux seulement, "Oddity" n’en reste pas moins un véritable album du fait de densité des compositions. Ainsi "achilles", le morceau d’introduction, s’étend-il sur près de 15mn tout en réussissant le tour de force de surprendre en permanence et de maintenir les sens en éveil. Construit comme un epic progressif des années 70, avec ses trames mélodiques se succédant les unes aux autres tout en constituant un tout parfaitement cohérent, "achilles" résonne pourtant aussi d’une surprenante modernité, grace notamment a une énergie et une production plus actuelles. Captivant d’emblée grâce au rythme endiablé de la batterie répondant au piano, le duo augurant d’épisodes à venir dramatiques, le brusque chant apaisĂ© de Franck surprend avant de lentement laisser la mélodie reprendre ses droits, appuyée en cela par la délicate flûte traversière d’une pointure que Franck a convaincu de rejoindre son aventure, j’ai nommé John Hackett. Le Mellotron nous ramène bientôt vers des berges accueillantes, tandis que l’intensité dramatique montera à nouveau d’un cran pour laisser, après moult ponts, la conclusion à un Hammond réchauffant les coeurs sur une rythmique qui appelle inconsciemment à battre la mesure du pied. Un titre à la fois ambitieux et enthousiasmant, sans conteste le meilleur de l’album, dont la variété des ambiances est l’un des atouts. En effet, si "the quind" rappelle énormément l’esthétique sonore d’un Pendragon (période "Masquerade"), notamment la voix de Franck tout en suavité à l’image de celle de Nick Barrett, son successeur "the eyes of age" change radicalement de registre puisqu’il nous plonge dans une ambiance country que n’aurait pas renié ELP sur "the sheriff". Un titre d’une grande gaité émaille par les interventions chatoyantes et toujours a propos d’un violon. "Alice’s eerie dream" surprend encore en démarrant sur un riff électrique, suivi des gimmicks propres au registre hard (montées de manche, bends…), tout en s’achevant tout de même sur une parenthèse Gospel ( !), tandis que l’aventure se conclura sur "the last oddity", logiquement dans la veine musicale du titre d’introduction, quoique sensiblement moins réussi du fait d’un propos moins riche qui ne méritait pas 11 minutes de développements.
Franck y a ajoute une reprise de "carpet crawlers" ainsi qu’une version radio d’ "alice" ; il a d’ailleurs réussi à obtenir des passages sur les Webradios dont notre Morow national. Disponible notamment sur CDBaby, une oeuvre qui mérite qu’on lui donne sa chance.
Serge Llorente
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