Le magazine

koid9 magazine

News letter


Votre adresse E-mail



Recevez par mail le sommaire du prochaine numéro.

Troy Donockley : The Pursuit Of Illusion (2003 - cd - parue dans le Koid9 n°46)

(1063 mots dans ce texte )  -   lu : 885 Fois     Page Spéciale pour impression

TroyDonockley_ThePursuitOfIllusion.jpg

Troy Donockley est connu pour faire partie de Iona mais aussi pour sa collaboration avec la chanteuse Maddy Prior, du légendaire groupe de folk-rock Steeleye Span. On retrouve Troy sur bien des albums parus depuis plus de 10 ans car ce multi-instrumentiste a fait aussi pas mal de sessions, pour Midge Ure, l'ex-chanteur-guitariste d'Ultravox par exemple. En 2001, vous avez pu lire dans Koid'9 n°39 une chronique de son magnifique premier album, "The unseen stream" paru en fait en 1998. Cinq années plus tard, "The pursuit of illusion", dont le titre est inspiré par l'intérêt que porte Troy à la science de l'illusionnisme et de la magie, bénéficie de la participation des mêmes musiciens que sur son précédent album : Neil Drinkwater au piano de concert, The Emperor String Quartet, Duncan Rayson à l'orgue d'église, Chris Redgate (hautbois), les deux ex-membres de Iona Nicky Beggs (stick Chapman) et Terl Bryant (percussion), Andy Duncan (percussions), plus le chœur classique américain York Cantores et bien sûr Troy qui assure les fameux Uilleann Pipes, les tin whistles et low whistles, mais aussi les guitares électriques et acoustiques, bouzouki, mandola, claviers, percussion et pour la première fois un peu de chant. Donockley se présente avant tout comme un compositeur car il laisse parfois une part importante de l'interprétation de ses morceaux à ses invités. Loin de se situer uniquement dans la sphère celtique dont on retrouve pourtant des éléments, "the pursuit of illusion" rassemble et fusionne une multitude d'influences et de couleurs musicales, venus en grande partie du classique sur cet album mais un classique plutôt moderne (rien de trop expérimental, rassurez-vous ! Mais parfois on note une trace de musique répétitive à la Philippe Glass ou Wim Mertens), de la musique ancienne européenne, de la musique indienne aussi …

"The pursuit of illusion" est beau et plein d'émotion, si on veut le résumer en quelques mots. Un album essentiellement calme, à l'ambiance méditative aussi, aux arrangements riches et variés mais jamais surchargés ni pompeux.

L'ouverture "conscious" rassemble pendant 5 minutes les cordes mélancoliques du quatuor alliées au hautbois, une séquence d'orgue répétitive, le piano, les low whistles et la mandola de Troy plus les voix angéliques du chœur. "The pursuit of illusion", qui lui succède sur près de 9 minutes, possède une première partie instrumentale avec le quatuor dont le violoncelle joue la très belle mélodie principale, puis intervient la voix de Donockley, pas bien puissante il est vrai, mais suave et douce, vite rejointe par celle plus ample et vibrante de Joanne Hogg (qui au fil des années devient véritablement une très grande chanteuse…). Le morceau est inspiré par le fatal accident qui emporta un très grand magicien asiatique nommé Chung Ling Soo à Londres en 1918. La partie instrumentale qui le termine est plus enlevée, émouvante, lumineuse. Ensuite, "little window" est assez différent, avec juste un piano, le hautbois et la guitare électrique de Troy, quelques discrètes percussions. Il s'agit d'un morceau mystérieux, mélancolique comme peuvent l'être certains titres de Steve Hackett - auquel Donockley fait penser avec ce son de guitare semblable à celui d'un violon. Les 10 minutes de "floating world" qui suivent sont, à mon avis, l'unique point faible de l'album. Le morceau qui bénéficie de la participation du violoniste Peter Knight, semble ouvertement inspiré des ragas indiens, avec un motif répétitif sur fond d'harmonium et de synthétiseur, les vocalises de Joanne et Troy, les percussions de Bryant et Duncan, le Stick Chapman de Beggs, les guitares électrique de Troy qui utilise aussi les whistles. Un morceau assez long pour son propos, en partie improvisé semble-t-il et qui ne décolle jamais vraiment.

Le très court "a bridge" qui suit, avec Troy solo au "tin whistles" (pipeau métallique au son aigu) sur fond de synthés étranges, sert d'introduction à "fragments" qui, pendant près de 5 minutes, rappelle les chants d'église antique... ou encore l'adagio de Barber, avec la voix caressante de Joanne Hogg, le chœur York Cantores qui domine l'ensemble et toujours l'Emperor String Quartet et l'orgue en accompagnement discret. Un morceau majestueux à l'ambiance religieuse particulièrement envoûtante et aussi solennel que beau.

Pour finir, le morceau de résistance est la suite "the colour of the door" en deux parties totalisant pas moins de 21 minutes Et croyez-moi, ce n'est JAMAIS du remplissage ! Les 2 minutes d'introduction aux teintes très classiques avec le quatuor porté ensuite par l'orgue majestueux, le chœur et la guitare électrique lyrique laissent la place à un morceau aux multiples facettes, ouvertement progressif. La seconde section est partiellement chantée (par Troy) et c'est aussi la seule pièce où l'on pourra entendre enfin les fameux Uilleann pipes et tous les autres instruments que Troy maîtrise, ainsi que tous les invités de l'album, à l'exception de Joanne Hogg (dommage!).

La cornemuse que Donockley sait faire vibrer comme une voix humaine introduit une mélodie émouvante soutenue par un synthé aux sonorités de cloches cristallines, auquel se joignent tour à tour le piano puis les cordes. La mélodie se développe comme un oiseau qui s'essaie au vol pour la première fois et déploie ses ailes. Puis c'est la troisième section, plus tendue, avec un piano dont le jeu s'accélère et la cornemuse qui s'élève, les synthés et les flûtes, un arrêt soudain où le chœur et les synthés tissent une musique angélique, où percent la guitare électrique rappelant plutôt un violon et les carillons à vent (wind chimes)… et ainsi de suite… mais on pourrait décrire tellement de sections différentes ! Et pourtant l'ensemble paraît toujours homogène, cohérent, splendide… Ce chef-d'œuvre véritablement progressif peut évoquer légèrement le meilleur Mike Oldfield - le regretté groupe suédois Tribute aussi - mais avec une influence classique beaucoup plus marquée et une personnalité différente, une émotion tangible, prenante (pour peu qu'on veuille écouter attentivement).

Ce n'est certainement pas une musique d'ambiance, c'est tout simplement inclassable ! C'est peut-être la musique classique du troisième millénaire, le monde de Troy Donockley, un monde musical merveilleux, chatoyant et éclatant de mille couleurs… un voyage que nous avons la chance de pouvoir répéter à l'infini pour découvrir de nouveaux détails à chaque nouvelle écoute.

Disponible sur le site officiel www.troydonockley.co.uk

Marc Moingeon




Retour à la sous-rubrique :

Autres publications de la sous-rubrique :

Temps : 0.0302 seconde(s)