Al-Bird : Sodom & Gomorra Xxi (2002 - cd - parue dans le Koid9 n°44)
Permettez-moi l’espace de ces quelques lignes de vous emmener pour un voyage imaginaire dont la destination serait l’Ouzbekistan. Bien entendu, George W. Bush mis à part, chacun sait qu’il s’agit d’une ex-république soviétique située en Asie Mineure, bordée au Sud entre autres par l’Afghanistan, et au Nord par la tristement célèbre Mer d’Aral, quasiment asséchée par des décennies de mauvais traitements et d’expérimentations douteuses. Mais passons sur ces détails sordides pour nous concentrer sur un objectif autrement plus réjouissant, c’est-à-dire la musique d’Al-Bird. Tout d’abord pour planter le décor il faut préciser qu’ "Al-Bird" est le surnom "occidental" du multi-instrumentiste Albert Khalmurzayev, et à cet instant précis vous savourez comme moi l’utilité du pseudonyme… Depuis quelques années déjà, notre homme s’est rapproché de deux personnages : Val "Ptero" Vorobiov, batteur de son état, et Vitaly "Progressor" Menshikov. (Salut les gars, enchanté, moi c’est Michael "Chronikator" Fligny. Je sais, ça vaut ce que ça vaut, mais je l’aime bien mon pseudo.) Ajoutons également que l’ami "Progressor" est l’auteur d’un site Internet intéressant (www.progressor.net) sur lequel il déverse son miel ou son fiel, c’est selon, sur les disques du moment. En bref, comme nous c’est un vrai passionné de musiques progressives depuis tout petit et qui aime dire franchement ce qu’il pense. Nos trois compères forment donc un trio du nom de "X Religion" depuis 1997 et cet album est le 1er à être édité (par Muséa), alors qu’un autre paradoxalement un peu plus ancien "Dances on gobelins" va prochainement l’être chez Mellow Records. "Sodom & Gomorra XXI", dont le sous-titre "Poème symphonique progressif" résume assez bien la direction musicale prise et reflète parfaitement l’ambition du propos, retrace pendant 50 minutes subdivisées en 4 parties la destinée tragique de ces 2 cités antiques, punies pour leurs excès et leur débauche. Un thème plutôt bien choisi car évocateur d’images fortes et de sensations contradictoires, parfois douces, violentes par ailleurs. Alors quoi de plus adapté qu’un contexte musical progressif pour illustrer toute cette panoplie d’éléments. Il apparaît alors logique qu’en plus de cet enregistrement numérique la musique présente ici, entièrement instrumentale, en dehors de quelques très discrètes vocalises bien senties, a servi de toile de fond pour un spectacle donné à Tashkent (capitale de l’Ouzbekistan), d’autant plus qu’Al-Bird est également acteur à ses heures. La première impression qui vous assaille à l’écoute de ces compositions est d’avoir affaire à une musique de film, aux ambiances très variées et parfois bouleversantes. Al-Bird, c’est du prog en Cinémascope et en Technicolor ! Fermez les yeux, laissez-vous transporter, mais ne comptez surtout pas dormir, car les surprises seront nombreuses. Il est difficile de rapprocher cette musique d’une autre en particulier tant la diversité est importante, mais on peut en tous cas dire que rien n’indique sa provenance géographique. En effet, je n’aurais pas été surpris d’apprendre qu’il s’agisse de l’œuvre d’un groupe britannique par exemple (quelques touches floydiennes par moments), c’est sans doute le résultat de nombreuses années à écouter et pratiquer (au sein de 2 groupes locaux "Rare Bird" et "Edgar Poe" dans les 90s) des musiques progressives en tous genres. Du fait de la spécialité première du compositeur, les claviers sont très présents, et loin d’être démonstratifs tapent en permanence dans le mille en titillant la corde sensible, en bref c’est du grand art. Par ailleurs, il est agaçant de constater qu’il maîtrise tout autant la guitare acoustique ou électrique et joue même quelques passages à la harpe. Si bien que je suis tenté de comparer sont talent de celui du suédois Björn Lynne. De plus, il agrémente de-ci de-là ses compositions de programmations ou de samples d’ambiances avec une grande intelligence, un peu à la manière de Roger Waters, ce qui apporte une touche de modernisme intéressante et donne du relief aux atmosphères. Toutefois, leur abus peut sembler de prime abord palpable sur les quelques dernières minutes du disque (on frôle la cacophonie), mais comme il est question d’illustrer une destruction violente on ne peut leur en tenir rigueur. Le bassiste, qui joue également certaines parties de guitare, apporte un plus étonnant autant qu’inhabituel, car il est très bien mis en valeur par le mixage et il intervient fréquemment pour générer ou enrichir la mélodie. Le batteur sera peut-être pour certains le petit os dans l’engrenage, car il a choisi sciemment de n’utiliser qu’une batterie électronique. Il est malgré tout bon de préciser que cela ne constitue nullement une barrière à l’écoute de cet album, puisqu’elle ne cherche pas à imiter une batterie acoustique et que son utilisation est en général bien intégrée dans les compositions, surtout au cours des formidables passages à consonance électro-rock (pas très éloignés des britanniques de Garbage). Signalons enfin aux derniers sceptiques que la qualité sonore issue d’un studio d’enregistrement ultra-moderne est irréprochable. Ce disque est en ce qui me concerne une des meilleures surprises de cette fin d’année. Bon, je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne j’attends la sortie du prochain avec une certaine impatience. Michael Fligny |