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Focus : 9 - New Skin (2006 - cd - parue dans le Koid9 n°60)

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Focus fut pendant les années 70 un groupe phare du rock progressif néerlandais, au même titre que Finch, Ekseption ou Trace. Il est d’ailleurs amusant de constater un point commun entre toutes ces formations : leur reconnaissance au-delà des frontières des Pays-Bas était facilitée par l’aspect presque intégralement instrumental de leur musique. Une autre similitude entre elles était la virtuosité époustouflante de leurs membres. Il faudra sans doute un jour rétablir une injustice en publiant une rétrospective sur ce pays, qui n’avait rien à envier en qualité (sinon en quantité) à leurs contemporains anglo-saxons. Focus était une créature bicéphale, avec d’un côté le charismatique Thijs van Leer à l’orgue Hammond, à la flûte, plus quelques délires vocaux (son registre vocal va du très grave au très aigu, et en plus il est capable de iodler à la manière des tyroliens, ce qui est la vraie singularité du groupe), et de l’autre côté le plus introverti Jan Akkerman à la guitare électrique. Leur style unique rapprochait avec une aisance déconcertante les mondes du rock, du classique, du jazz et du blues, plus quelques touches médiévales apportées par la flûte et la guitare acoustique. Les deux se partageant l’écriture à peu près équitablement, 4 albums absolument indispensables (les premiers bien sûr) sont nés de cette collaboration, culminant avec le fameux "Hamburger concerto". Hélas, cette belle collaboration prit fin en 1975, avec le départ d’Akkerman remplacé par le guitariste belge de jazz-fusion Philip Catherine (rien à voir avec le guignol en slip rose qui sévit actuellement chez nous) apportant une orientation plus nettement tournée vers le jazz. Puis suivit une nouvelle interruption de 1978 à 1985, qui vit un bref retour du duo avec Jan Akkerman et des compositions ambitieuses, mais hélas avec des percussions électroniques et donc datées. Après ce court retour, on a pu entendre Thijs en tant qu’invité sur de nombreux albums et concerts (Ayreon, Uriah Heep, Maryson, …). Il a également publié plusieurs albums solos, recentrés sur la flûte classique.

Puis ce fut un retour en fanfare en 2002 avec l’album "Focus 8" et sa tournée, présentant un groupe entièrement remodelé avec d’anciens admirateurs de l’ancien Focus entourant l’indétrônable Thijs van Leer, sans qui il est vrai le nom Focus n’aurait pas de sens. Cet album fut une vraie réussite, ne décevant pas les fans de la première heure, contrairement à beaucoup de retours tardifs comparables. Classic Rock a aussi publié un passionnant recueil de 3 DVD, que j’ai pu trouver pour le prix d’un seul, présentant d’anciens enregistrements de très bonne qualité, des commentaires et un récent concert "Live in America".

Arrive donc maintenant le successeur de cet album, qui sans surprise s’appelle "Focus 9", néanmoins complété du sous-titre "New skin", censé signifier un nouveau tournant dans l’orientation musicale. Bon, soyons franc, le virage est loin d’être radical, mais une chose est sure on constate encore un changement de personnel. Thijs est cette fois accompagné de Niels van der Steenhoven à la guitare qui remplace donc Jan Dumée parti après l’album précédent pour d’obscures raisons, Bobby Jacobs à la basse, et c’est le retour de l’excellent membre historique Pierre van der Linden à la batterie. A défaut de vraie rupture, j’ai pour ma part retrouvé l’esprit du CD précédent (dont j’avais fait une critique élogieuse à l’époque), l’effet de surprise en moins. Toujours totalement instrumental, à l’exception d’un titre. Tous les ingrédients sont là : d’abord des tonalités jazz-rock du fait d’ambiances souvent cool et de la grande technique des intervenants, puis des tonalités blues de par les notes étirées à la guitare et une fréquente langueur mélancolique, la dimension rock est quant à elle représentée par des envolées souvent inattendues et pleines de fougue comme je les aime, des tonalités classiques également avec bien sûr la flûte, mais aussi le piano (à noter ce petit clin d’œil humoristique à Mozart, qui ferait sûrement grincer les dents des puristes) et enfin la petite touche médiévale avec flûte et guitare acoustique. C’est très bien écrit et ne heurte jamais l’oreille. On sent comme sur "Focus 8" que certains passages sont issus de jam-sessions car certaines longueurs se font sentir parfois en fin de morceau. D’ailleurs le CD est plein à craquer, alors qu’ils auraient sans doute gagné en efficacité en raccourcissant par endroits. On mettra ça sur le compte d’une trop grande générosité et d’une volonté de garder un aspect quasi-live.

On peut toutefois reprocher à l’ensemble une certaine uniformité et une proportion un peu faible de véritables moments forts. Je n’y peux rien, j’aime en premier lieu la dimension rock et je la trouve sous-représentée. Pour être méchant, je dirai qu’on se rapproche à quelques moments dangereusement de … la musique d’ascenseur. Les ambiances décontractées sur un rythme de slow et dominées par la guitare étant très représentées, cela me fait surtout regretter le grain de folie des premiers albums, même si Thijs van Leer se lance fréquemment dans ses improvisations vocales désopilantes : sifflements, onomatopées façon cartoon. Le clin d’œil explicite au passé se retrouve dans les titres de certains morceaux : "focus 7", "focus 9" et même "sylvia’s Stepson – ubatuba" (ce "beau-fils" faisant référence au mythique "sylvia" de l’album "Focus 3), et aussi dans un morceau très bien ficelé dont les paroles déclamées avec emphase par le maître de cérémonie sont en fait un récit fait d’une succession de titres de leurs anciens albums. J’aurais apprécié aussi entendre un petit peu plus de flûte.

Mais après tout, pourquoi chercher la perfection à tout prix. Si je mets en évidence ces quelques travers, c’est avant tout parce que je cherche à vous exposer un aperçu le plus loyal possible, celui d’un amateur déjà conquis. Ce nouvel arrivage est à mon avis d’aussi bonne qualité que le précédent. Les fans ne devraient pas être déçus et c’est une bonne approche de l’univers de ce grand groupe pour les novices.

Michael Fligny




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