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Célèbre voire adulé en son pays d’origine, l’état d’Israël, le jeune artiste de rock Aviv Geffen est surtout connu en nos contrées et plus généralement en Europe pour le duo qu’il aformé avec le (pour le coup) célébrissime (à la modeste mesure de notre univers de poche, s’entend) britannique Steven Wilson. Cette collaboration s’est traduite sous la forme du combo Blackfield qui compte à ce jour deux opus, sobrement intitulés "I" et "II", parus respectivement en 2004 et 2007. Mais Aviv avait déjà participé à l’aventure Porcupine Tree dès 2001 en prêtant sa voix sur l’un des titres du fabuleux "In absensia". A titre individuel, Aviv Geffen a tout de même déjà aligné la bagatelle de 12 albums studio depuis 1992, majoritairement interprétés en hébreu si je m’en réfère à leurs titres qui m’évoquent autant de choses que la formule de circonstance ! Ces précautions oratoires pour vous dire que je ne connais pas grand-chose de cette discographie autochtone, à l’exception de quelques titres interprétés en anglais lors du concert Parisien auquel j’avais assisté en janvier 2009.
Le dernier album de Geffen date précisément de 2009, et c’est celui dont il me revient de vous entretenir aujourd’hui. Il marque un tournant dans la carrière de l’artiste, puisqu’il s’agit de son premier effort entièrement en langue anglaise, démarche on ne peut plus indispensable pour celui qui outre sa collaboration avec Wilson s’est affiché en première partie du "U2 360° Tour" en septembre dernier à Athènes, rien que ça ! Rappelons que Blackfield constitue la déclinaison "pop" de Porcupine Tree, avec des constructions plus directes, des morceaux plus courts et une trame mélodique plus abordable. Geffen en solo se devrait donc logiquement de ressembler à du Blackfield en plus pop encore ! Eh bien pas tout à fait, puisque cet album est composé d’une succession de titres intimistes et pop/new wave/rock.
"it was meant …" démarre en douceur, porté principalement par la voix d’Aviv, avant de basculer sur une mélodie très calibrée FM, bercée par les violons et une rythmique binaire, tandis que sur "black & white" la boîte à rythme et les synthés flirtent avec une esthétique new wave un peu surprenante de nos jours. J’avais entendu "Berlin" lors du concert précité, et il fait précisément partie des titres intimistes qu’affectionne Aviv, dont les textes évoquent très souvent le mal-être de la jeune génération israélienne. En l’occurrence des moyens volontairement limités (guitare classique, voix, de discrets accompagnements au synthé) servent une chanson d’amour qui sur sa conclusion bascule dans le dramatique à la faveur de nappes de violons. "heroes" partage également cette construction privilégiant un duo guitare/voix – voix chaleureuse autant que parfois rocailleuse voire approximative, ce qui finalement ne choque pas tant ces petits écarts tendent à rendre l’interprète plus touchant. Les aficionados de Blackfield (volume "I") reconnaîtront immédiatement une version plus instrumentale et apaisée de "it's cloudy now", tandis que le délicat et mélancolique "october" fait preuve d’un charme certain, servi par des envolées lyriques d’un duo piano/violons. A noter également le très bon "the one", probablement le titre le plus rock de l’album, sur lesquels des riffs tendus de guitare électrique n’hésitent pas à côtoyer les violons sur fond de ponts rythmiques et mélodie orientalisante. L’album s’achève au terme de 35 mn seulement sur "forest in my heart", où à nouveau le piano accompagne sobrement le propos d’Aviv sur fond de rares et discrètes nappes de violons, avant que le titre ne s’achève sur une belle et brève envolée lyrique. Notons qu’en dépit de nombreuses contributions (17 artistes, dont Steven Wilson à la guitare), Aviv intervient sur tous les registres de cet album, tant au piano qu’à la guitare ou aux synthétiseurs, démontrant la "complétude" de son talent.
Finalement ce premier album "international" d’Aviv Geffen porte fièrement une authenticité que la collaboration prolongée avec Steven Wilson aurait pu nous faire redouter de compromettre, tant il est vrai que Blackfield ne peut nier un lien de parenté évident avec Porcupine Tree. Au contraire, cet opus d’Aviv Geffen, dont la construction somme toute assez conventionnelle n’est pas dénuée d’une certaine candeur, se laisse écouter avec plaisir et réussit même à placer deux ou trois très jolis titres.
Serge Llorente
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