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Attention, groupe incontournable. Voilà en effet l’exemple type de la formation sortie de nulle part (qualifiée de "post-rock" au sein des médias branchés), qui crée et développe depuis sa genèse une authentique musique progressive sans se revendiquer d’une quelconque étiquette, bien au contraire même… Et pourtant, la musique de Godspeed (faisons court, faisons bien) ne pourra qu’intéresser l’amateur de rock-prog toutes générations confondues, peut-être encore davantage que celle des islandais de Sigur Ros, autre perle du moment avec lequel notre sujet présente de réelles similitudes au niveau purement musical. Véritable initiateur puis groupe phare du label canadien Constellation, Godspeed You ! Black Emperor* s’impose aujourd’hui comme l’une des formations les plus créatives et originales de ce début de siècle, ni plus ni moins. Tout a commencé en 1994 dans un hangar désaffecté de Montréal, lieu de rencontre on ne peut plus "underground" où une bande de jeunes musiciens s’amusaient (entre autres) à ne jouer live que sur une seule note et ce durant de longs morceaux, chacun rivé sur son instrument ( ! ! !). Ce collectif pour le moins insolite a depuis gagné en complexité et en force revendicatrice (je reviendrai sur le côté "militant" de Godspeed un peu plus loin), pour devenir en quelques années un véritable groupe de 9 musiciens confirmés, aux compositions réglées à la perfection, et ne laissant que peu de place à l'improvisation et aux délires parfois "hermétiques" des débuts. L’instrumentation employée est restée depuis la même, celle-ci se déclinant ainsi : trois guitares électriques, deux basses, un cor, violons, violoncelle et contrebasse, sans oublier bien sûr la batterie et les percussions qui forment à elles seules la substance primaire de Godspeed. Deux albums (dont le monolithique et indispensable double "Lift your skinny firsts like antennas to heaven !"), un mini EP et quelques collaborations plus tard, Godspeed nous revient donc avec un nouvel opus attendu fébrilement par des fans au nombre exponentiel, tant les promesses ont été jusqu'à présent tenues, aussi bien sur disque qu'en concert, instance privilégiée ou la musique des canadiens délivre toute sa fougue et sa puissance émotionnelle (les comptes-rendus des prestations scéniques outre-Atlantique du combo laissent rêveurs : à quand une tournée par chez nous ?). Si "Yanqui U.XO" reprend la toile de fond et la structure de ses prédécesseurs, il s’éloigne cependant de la noirceur parfois oppressante qui les caractérisait en proposant ici cinq longues compositions instrumentales à la fois plus épiques et lumineuses. La recette reste cependant la même, chacune de ces séquences démarrant de façon minimaliste et éthérée, puis se développant crescendo à la manière d’une grande symphonie pour aboutir à un véritable déluge instrumental. Même si la musique de Godspeed est par définition inclassable (quoique jamais intellectualisante ou rebutante), il serait cependant approprié de la qualifier d’audacieux cocktail d'ambient moderne (mais sans les effets électroniques qui seraient ici totalement superflus), de space-rock déjanté et de bon vieux progressif à la sauce Pink Floyd. Et pour finir de vous convaincre, vous en connaissez beaucoup vous, des groupes qui refusent catégoriquement de se faire du fric en associant leur musique à des publicités débiles ? Qui en autorisent la copie et la diffusion gratuite sur Internet pour la plus grande joie des curieux ? Qui la prêtent à titre gracieux pour illustrer des documentaires indépendants ? Qui s’insurgent avec force et talent contre le capitalisme et la militarisation sauvage aux travers de leurs diverses prestations ? Moi oui, et l’un d’eux se nomme Godspeed you ! Black Emperor, groupe unique et incontournable (vous êtes décidément plus que prévenus !) à contre-courant des lois du business dictées par les maison de disques, et avant tout digne représentant de la famille rock anti-mondialiste, dont il est l’acteur le plus crédible et farouche. Fort, très fort !
Philippe Vallin
* le point d'exclamation, initialement situé en bout d’expression, vient de changer de place pour ce dernier album. Pourquoi ? Je ne sais pas !
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