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Si conséquemment à la présente chronique vous étiez amenés à flâner dans les coursives du premier disquaire français, ne cherchez surtout pas la dernière création de Goldfrapp dans le bac "Progressif", vous ne la trouverez pas. Normal, ça n’est pas du prog ! Mais vous ne trouverez pas non plus "Black cherry" au rayon "Pop/Rock"… Ne vous découragez pas, c’est vers la musique électronique qu’il vous faudra vous diriger pour trouver votre bonheur ! S’il vous plaît, NE ZAPPEZ PAS à la chronique suivante, car les choses ne sont pas si simples que cette classification pourrait le laisser penser !!
Vous êtes bien toujours là, hein ? Reprenons alors : pourquoi donc prêter quelque attention à cet album ? Et bien parce que si Goldfrapp n’est certes pas du prog, ce n’est pas non plus de la pop et pas vraiment de la musique électronique au sens courant du terme. Ce groupe est extraterrestre, et nous à Koid’9 les extraterrestres on adore (ça doit s’appeler la solidarité entre minorités …) !
J’ai en fait découvert Goldfrapp (peut être tout comme vous) grâce à l’excellente chronique de nos amis Philippe Vallin & Michael Fligny parue dans le Koid’9 n°36 à la faveur de la sortie du premier album "Felt mountain" de ce groupe anglais au style si indéfinissable. J’avais succombé aux charmes de "Felt mountain" dès la première écoute, et me suis donc logiquement précipité sur le petit frère "Black cherry" dès sa sortie le 29 avril dernier.
Trois ans se sont écoulés depuis le coup d’essai de nos britanniques, puisque "Felt mountain" remonte déjà à l’année 2000. Durant ces trois ans, grâce à cet unique album, Alison Goldfrapp (voix, synthés) et Will Gregory (synthés), respectivement maman et papa de Goldfrapp, sont passé du statut d’inconnus à celui ô combien plus enviable d’artistes respectés et admirés.
La meilleure preuve de cette reconnaissance du "milieu" tient selon moi au fait que l’on peut en ce moment entendre 5 fois par jour l’intro du sublime "utopia" ("Felt mountain") sur toutes les chaînes françaises (et sans doute européennes …). Un indice : il s’agit de la publicité d’un célèbre glacier …
J’en termine en beauté avec la rubrique "reconnaissance" en vous signalant que dans le livret du dernier album de Peter Hammill "Clutch" récemment chroniqué dans Koid’9, on peut lire les remerciements de ce grand monsieur du prog adressés à Alison et Gregory ! Au chapitre échanges de bons procédés, j’ajouterai que dans livret de "Black cherry" on trouve du côté des remerciés un certain "Peter H" ! Les grands esprits se rencontrent, ne dit-on pas ?
Passons si vous le voulez bien sans plus attendre au disque lui-même en commençant par la pochette qui met en scène Alison vêtue d’un chapeau claque et posant telle Marlène Dietrich dans "Lili Marlene". Un point commun avec la pochette du précédent album où Alison arborait déjà un look très "années 30".
Du côté musical, après la claque infligée par "Felt mountain", et le succès mérité qu’il a rencontré, comment le groupe allait-il aborder le difficile exercice consistant à lui donner un successeur ?
Et bien nous dirons pour schématiser que si "l’identité culturelle" de "Felt mountain" est globalement conservée grâce au fil d’Ariane que constitue la voix toujours aussi exceptionnelle d’Alison, "Black cherry" est néanmoins beaucoup plus électronique que son prédécesseur. On dira donc que cette fois ci le classement dans les bacs "électronique" a un peu plus de sens que du temps de "Felt mountain" qui avait subi le même sort de façon totalement injustifiée.
Les sons issus des synthés de Gregory, naguère tout en caresses destinées à servir le propos sensuel d’Alison, adoptent ici des sonorités plus dures dans la lignée de l’esthétique new wave ou funk des années 80.
C’est en particulier le cas avec le premier titre "crystalline green" ou avec le suivant "train", qui a servi de locomotive (!) à l’album puisqu’il est apparu sous forme d’EP un mois avant la sortie officielle en bacs de "Black cherry".
Le fait est qu’en dépit de sa rythmique sympathique, "train" est un titre typiquement "tubesque" avec son air entêtant, sa structure couplet-refrain et son "calibrage" radio avec une durée de 4’ pile !
Il faut attendre le troisième titre, qui a donné son nom à l’album, pour retrouver l’ambiance toute en finesse du premier album. La voix d’Alison abandonne enfin les vocoders (au profit d’une légère réverbe) et les synthés de Gregory se font plus discrets pour nous ramener sur les sommets de la sensualité, guidés par un magnifique refrain.
Les amateurs de l’esthétique sonore du premier album, qui faisait la part belle aux mélodies intimistes, trouveront également leur bonheur avec "deep honey", un morceau lent qui permet de savourer à nouveau la voix fragile et cristalline d’Alison. On se sent bien, pas vrai ? Alors on continue avec le superbe "hairy trees" introduit par de superbes cascades de notes au piano revenant en boucles, et sur lequel la voix définitivement enchanteresse d’Alison se marie à merveille avec les violons (fussent-il électroniques) de Gregory. Les frissons que l’on éprouve à l’écoute d’un tel morceau nous confirment que le temps n’a en rien érodé le talent de notre couple de musiciens.
Bon, on se réveille avec "twist" nettement plus rythmé, et au refrain accrocheur mais agréable, même si ce retour à l’électronique ne finit décidément pas de me convaincre.
Nostalgiques de la douceur et de la douce voix d’Alison, "forever" est là pour combler vos désirs, l’avant dernier morceau caressant à nouveau si agréablement nos tympans sur fond de rythmique alanguie.
A l’heure des bilans, sur les 10 morceaux constitutifs de cet album ( pour seulement 43’ au total ), 4 ou 5 sont assez nettement "électroniques", l’autre moitié se rapprochant de plus de l’esthétique sonore de "Felt mountain" en alliant calme et sensualité.
Même si les titres "enlevés" ne sont jamais franchement mauvais, leur côté assez nettement commercial et leur sonorité tout de même un peu agressive me fait préférer à l’évidence les seconds, qui finalement sont les seuls à réellement mettre en valeur l’atout majeur de Goldfrapp, l’extraordinaire voix d’Alison.
Finalement, le principal concurrent de "Black cherry" n’est autre que son prédécesseur, "Felt mountain", que je persiste à considérer comme un must absolu que tout sérieux mélomane se doit de connaître.
Sans être un mauvais album, loin s’en faut (même si j’aurais souhaité qu’il fut plus long), "Black cherry" comblera d’abord les amoureux du groupe pour qui les 3 ans de séparation forcée avec Alison ont résonné comme un calvaire …
Serge Llorente
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