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Avouez qu’il n’est pas très fréquent de voir un contrebassiste prendre les rênes d’un projet. Renaud Garcia-Fons, dont l’album de 2001 "Navigatore" a fait l’objet de commentaires élogieux autant que mérités dans un précédent Koid9, oeuvre déjà dans ce sens et a dévoilé une partie des richesses qui peuvent être extirpées de cet instrument acoustique à la tessiture a priori limitée, ce qui le relègue généralement à l’arrière-plan sonore. On peut dire que le suisse Mich Gerber est assez proche dans la démarche, mais il se démarque assez nettement dans la forme, adoptant une approche dans laquelle les possibilités techniques actuelles ont un rôle important à jouer.
Revenons tout d’abord quelques années en arrière, lorsque frais émoulu du conservatoire le jeune Mich (tu permets que je t’appelles Mich ? Si tu veux tu m’appelles Mich aussi.) opte d’abord pour la voie classique qui semble toute tracée, au sein de l’orchestre symphonique de Berne. Au bout de quelques temps, se sentant à l’étroit dans ses chaussettes il s’essaie à différentes possibilités, à commencer par le jazz avec des petites formations, puis à sa composante sans limite formelle, le free-jazz. Mais cette frange créative, tout comme la musique classique avant-gardiste manquait à son goût d’un ingrédient essentiel : la mélodie, et je ne vous cache pas que je partage son avis. Il commence alors à composer, seul au fond de sa chambre de bonne, s’éclairant à la bougie, attrapant des ampoules aux mains… D’abord des musiques pour la scène théâtrale, puis pour des documentaires. A cette période la possibilité d’enregistrer un premier essai se présente, ce sera "Mystery bay" qui fut distribué en Suisse en 1997. Suivront, toujours réservés à nos amis les Helvètes, un "Live" en 1998, puis "Amor fati" en 2000.
Très à l’aise avec les différentes techniques de jeu, frottements à l’archet, pincement des cordes, percussions avec la main, il n’a rien à démontrer quant à ses compétences, mais ce qui fait l’originalité et en fin de compte le charme de la musique de Mich Gerber, c’est l’idée qu’il a eue d’enregistrer avec son instrument fétiche des motifs mélodiques, qu’il utilise ensuite pour s’accompagner lui-même, faisant ainsi des assemblages sonores qui se superposent et s’enchevêtrent, donnant l’impression d’avoir affaire à un mini-orchestre. Et le plus étonnant, c’est qu’il reproduit cette démarche sur scène, donnant à chaque show une part d’imprévu. Il s’accompagne tout de même de boucles et de séquences rythmiques entraînantes ou planantes, mêlant rythmes modernes –je dirais électro si je voulais faire djeun’s- et sonorités orientales.
Le présent album n’est pas une nouveauté, mais plutôt une compilation d’anciens morceaux retravaillés et remasterisés, mais l’essentiel est que cette musique soit enfin disponible dans nos contrées. Il s’accompagne de batteurs – percussionnistes, d’un guitariste, et cerise sur le gâteau d’Imogen Heap chanteuse du groupe inconnu de moi-même Urban Species, mais c’est toujours bon à préciser. Toujours est-il que sa belle voix fait merveille, surtout sur l’inoubliable et mélancolique "embers of love". Je mets au défi quiconque lisant ces lignes de ne pas tomber à genoux à l’écoute de ce morceau, d’ailleurs il faut que j’arrête de l’écouter sinon je vais me faire des bleus. A signaler aussi "there’s more to life than this" qui est une reprise d’un morceau écrit par une certaine Björk Gudmundsdottir, généralement appelée par son prénom, même quand on n’est pas très intime avec elle. Le seul reproche qui puisse être fait à "Endless string" est l’aspect un peu étiré et répétitif (presque chacun des 11 morceaux fait un peu plus de 5 minutes). Il reste donc une marge de progression, alors attendons de voir la suite. Mais en attendant il n’y a pas de mal à se faire du bien en se laissant bercer par ce bien bel album. Ah oui, au fait, savez-vous où je l’ai trouvé chez un grand distributeur, que je ne nommerai pas, mais qui n’ «agite» plus grand chose depuis longtemps : au rayon techno ! C’est vraiment n’importe quoi !
Michael Fligny
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