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Peter Hammill : Incoherence (2004 - cd - parue dans le Koid9 n°51)

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Peter Hammill nous a fait une belle frayeur ! Le 5 décembre 2003, Peter achève de graver le CD Master contenant une version quasi définitive de son dernier album en date, "Incoherence". Il quitte son studio de Bath avec la satisfaction du travail bien fait, mais sera rattrapé 48 heures plus tard par son destin sous la forme d’une attaque cardiaque.

Je vous rassure, Peter est à présent tiré d’affaire et bien décidé à poursuivre son chemin artistique, même s’il a d’ores et déjà pris quelques résolutions pour l’avenir (je n’aurai plus l’occasion de le photographier roulant ses cigarettes, par exemple !).

Quid donc de la 45ème œuvre de notre poète anglais ? Peter nous avait quittés en 2002 sur "Clutch", un opus dont la particularité tenait à l’utilisation exclusive de la guitare sèche en guise d’accompagnement des sections vocales.

Peter considérant ce sujet à présent "traité", il ressort pour "Incoherence" ses pianos électriques du placard (ceux là mêmes utilisés sur l’excellentissime "Fireship", en 1992 déjà), non sans faire appel à ses fidèles acolytes du "Générateur", j’ai nommé Stuart Gordon (violon) et David Jackson (saxophones et flûtes).

Une orchestration sensiblement plus riche que celle de "Clutch" donc (mais il est vrai que ce n’était guère difficile !), dont la guitare a cette fois-ci en revanche quasiment disparu !

En dépit de sa segmentation en 14 sections, considérations pratiques obligent, "Incohérence" a depuis sa genèse été voulu comme une pièce unique (pour la quatrième fois dans la discographie Hamillienne), comme s’en explique Peter : "à l’origine il n’y avait qu’un morceau, mais je l’ai vite coupé en deux comme une pomme pour y insérer "logodaedalus" (le 3ème titre), et ainsi de suite à raison d’ajouts, insertions et allongements de titres successifs".

Un CD qui ne dépasse guère 41’39’’ au compteur, et là encore Peter s’en défend sur son site : "j’ai toujours considéré l’antique limite des 40-45’ issue du vinyle comme idéale pour le CD. C’est la durée à ne pas dépasser pour garder l’attention de l’auditeur intacte. Au-delà, la fatigue et l’ennui finissent par prendre le dessus … et en deçà, le délit de mesquinerie guette !". Voilà pour la petite histoire, côté forme … Concernant le fond, les choses se gâtent quelque peu, car chroniquer un disque de Peter Hammill n’est jamais chose aisée.

"C’est un nouveau disque de pop PH" commente sobrement son auteur ! N’en croyez rien, car pour celles et ceux qui ne le sauraient pas encore, Peter a depuis longtemps fait de l’ironie un art de vivre.

Peu de chances (peu de "risques", hasarderais-je plutôt) d’entendre des voix de casserole érailler les titres du dernier opus Hamillien en pleine Star’Ac 4 !

"Incoherence" c’est du PH pur jus, la voix de Peter exprimant toujours la même sincérité que les non-initiés auront trop vite fait de confondre avec du désespoir (même si, je vous l’accorde, les titres ne transpirent pas tous la gaîté …), sur fond d’une instrumentation cette fois-ci plus riche, comme évoquée plus haut, où se mêlent principalement pianos électriques, synthés et (rares) riffs de guitare électrique.

Comme pour "Clutch" mais également bon nombre d’albums précédents, Peter a réalisé un travail d’orfèvre sur les voix, les siennes en l’occurrence, se répondant sur des registres différents par la magie du multipistes. Le thème développé sur "Incoherence" est celui des mots et de leur rapport au langage, de leur pouvoir ("power of speech"), leur influence ("when language corrodes"), voire de leurs pathologies (sur "logodaedalus", traitant de la logorrhée).

Un thème on ne peut plus normal, une forme de réparation même pour cet homme de mots tout autant que de notes.

Après deux titres très "zen", où seules les notes de piano et quelques menus arrangements d’arrière-plan font écho à la voix de Peter, la tension monte rapidement à partir de "logodaedalus" et ce jusqu’au 6ème titre "always and a day", qui apporte un peu de quiétude, avant la nouvelle poussée de fièvre incarnée par "creatans always lie", et ainsi de suite selon un rythme quasi cardiaque.

A noter le superbe "converse", dont le tempo est matérialisé par les pizzicati de sieur Gordon comme au bon vieux temps du mémorable "yellow fever", ou le tout aussi rythmé "call that a conversation ?" sur lequel le saxophone de Jackson est reconnaissable entre mille pour les connaisseurs du Générateur.

En définitive "Incoherence" est un album tout sauf facile (même en fan inconditionnel, il m’a bien fallu 4 écoutes pour commencer de l’apprécier à sa juste valeur), qui dénote, sans doute, la radicalisation du discours musical d’un artiste qui au terme d’une carrière exemplaire n’a plus à "composer" avec les contraintes mercantiles.

Serge Llorente




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