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Cet album enregistré en fait en 1996 mais qui vient seulement de sortir a une histoire assez inhabituelle. Elle a pour origine un certain Scott Chinery, un ami de Steve Howe, malheureusement aujourd'hui décédé. Collectionneur de guitares invétéré, Chinery possédait une gigantesque collection d'instruments d'origine américaine, fabriqués dans les 160 dernières années, principalement des guitares acoustiques et autres instruments à cordes similaires, y compris certains "prototypes" plus ou moins expérimentaux. Il demanda un jour à Howe d'enregistrer une partie de ces instruments et Steve fit alors appel son ami Martin Taylor, guitariste de jazz très renommé en Angleterre, qui travailla notamment avec Stéphane Grappelli, pour le présenter à Chinery. Les trois hommes collaborèrent ensemble, Steve étant le producteur du projet et le résultat, c'est ceci : 17 morceaux, mélange d'adaptations et de reprises de morceaux plus ou moins célèbres et d'originaux utilisant en tout 60 guitares de toute sortes ! Ce qui est dommage, c'est que Howe et Taylor ne jouent pas tellement ensemble. Les notes très détaillées nous révèlent que le disque contient 5 duos seulement, 2 pièces avec Steve seul et 10 avec Martin Taylor seul… Taylor possède pas mal de points communs avec Howe et son style, imprégné aussi de folk et de classique, va bien au-delà du jazz traditionnel. Il est cependant plus régulier et plus académique que celui du guitariste de Yes.
Sur ces 60 minutes, le répertoire compte des thèmes connus depuis très longtemps tels que "all the things you are" du pianiste Jerome Kern, "smile" de Charles Chaplin, des standards des années 40-50 comme "moon river" de Mancini, "somewhere" de Leonard Bernstein… un parfum de Django Reinhardt et Stéphane Grapelli émane de quelques titres, la nostalgie de Saint-Germain-des-prés, une atmosphère légère et irrésistiblement entraînante. A côté, on peut également entendre certains morceaux du répertoire de Taylor et aussi pas mal de morceaux originaux (Howe en a notamment écrit quatre, dont deux avec Taylor). Ces derniers morceaux ne sont pas forcément typés jazz, et parmi eux figurent plusieurs très jolies pièces plus intimistes, des éléments de folk aussi. Le dernier duo, "harpnosis", présente deux harpes-guitares et semble d'influence clairement indienne !
Si quelques (rares) morceaux utilisent une seule guitare, la plupart en laissent entendre facilement plus de 4 ou 5, sans qu'il soit question de démonstration de virtuosité gratuite. L'enregistrement est irréprochable. On regrette juste ces bruits des doigts glissant sur le manche, lesquels sont quelquefois un peu trop audibles.
Ceci mis à part, on retrouve souvent ici l'approche "orchestrale" de la guitare acoustique déjà maintes fois développée par Steve, notamment dans son magnifique "Natural timbre" en 2001 (Koid'9 n°39). Le record est atteint avec le morceau "blue bossa" de K. Dorham où Taylor utilise pas moins de… 19 guitares en 5:21 !!! Vous pourrez de plus, reconnaître les instruments dont certains ont été photographiés et identifiés, car leur utilisation est clairement établie morceau par morceau.
"Masterpiece guitars" n'est probablement pas une révolution sur le plan de la composition musicale mais c'est un voyage vraiment dépaysant, très inhabituel, qui passe par des sentiers mélodiques très accessibles à tous. C'est bien sûr aussi un album pour les amoureux des guitares, servi par deux grands musiciens qui, même lorsqu'il s'agit de reprises, ajoutent leur patte et leur originalité en sachant tirer parti de cette collection incroyable, qui a permis une richesse sonore étonnante !
Marc Moingeon
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