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Mais que se passe-t-il ? Que sont devenus tous les groupes japonais qui ont fait les riches heures du progressif dans les années 80, époque plutôt sinistrée musicalement, durant laquelle ils ont fait partie des rares téméraires à tenter de ranimer (pas toujours de manière heureuse, avouons-le avec le recul) le flambeau éteint par la vague punk et disco ? Peut-être attendent-ils, sournoisement tapis dans un coin de leur île, attendant une nouvelle période creuse pour le progressif pour sauter à son secours, tels de courageux ninjas secourant la pauvre geisha opprimée. Quoi qu?il en soit, on dirait actuellement que la scène de ce pays n?est tenue, très bien d?ailleurs à mon goût personnel, en alternance que par Gerard et Ars Nova.
Heureusement un nouveau joker est là pour souffler un nouveau vent de fraîcheur sur nos oreilles exigeantes en apportant un ton bien différent : KBB. Si les envolées symphoniques instrumentales sont un moule commun à toutes ces formations, elles prennent avec KBB, surtout sur ce 2ème album, une toute autre tournure, non pas basée sur l?esbroufe technique façon "devine combien j?ai de doigts", ni sur une tentative de gavage sonore, comme c?était le cas sur certains anciens albums des 2 concurrents pré-cités (il faut avouer qu?ils se sont un peu assagis ces derniers temps, accentuant très nettement les aspects mélodiques). Il est bon de préciser que depuis leur excellent premier album, "Lost and found" paru en 2000, le claviériste a changé ; le petit nouveau apportant une tempérance bienvenue.
KBB, qui existe tout de même depuis 1992, ?uvre désormais dans des contrées plus raisonnables, sans pour autant oublier de surprendre à maintes reprises. En premier lieu, la dimension jazz-rock de leur musique mâtinée de progressif symphonique semble être leur marque de fabrique. Cette impression est la résultante de différents éléments: la section rythmique (emploi d?une basse fretless et utilisation fabuleuse des cymbales), les claviers à base de piano, piano électrique et orgue Hammond, le jeu soyeux ou virevoltant du violon, le tout étant même renforcé par l?absence de guitare sur 4 morceaux sur 7 (s?échelonnant tous entre 7 et 10 minutes). Je ne suis pas habituellement friand de jazz-rock, mais quand il est présenté dans un écrin d?une telle qualité, je m?incline, d?autant que l?énergie est bien présente.
Mais attention, la créature KBB est en fait bicéphale : alors qu?on pensait pouvoir la dompter docilement, elle nous échappe régulièrement en rugissant et crachant des flammes. En effet, certains morceaux (2 principalement) judicieusement disposés sur le disque nous surprennent par leur âpreté, rapprochant ainsi le groupe d?un certain King Crimson, ou plus précisément de son violoniste David Cross. Ceux qui se souviennent de son album solo "Exiles" en 1997 imagineront assez précisément à quelles délicieuses émotions s?attendre, car sur cet album il délaissait en grande partie certaines improvisations un peu stériles pour s?adonner à une musique très écrite, entraînante et néanmoins mordante. Tout juste a-t-on droit ici à quelques dissonances pendant un passage peu étendu. Cette dimension était bien plus prépondérante sur "Lost and found".
Le remarquable compositeur principal (6 titres sur 7), Akihisa Tsuboy, est aussi talentueux et même, n?ayons pas peur des mots, virtuose avec son violon que lorsqu?il prend le manche d?une guitare. Je tire aussi mon chapeau au batteur, dont le jeu est vraiment tout en dentelle. Un pur régal.
KBB apparaît donc moins culotté et en contrepartie plus mélodique, mais en tout état de cause il est plus que jamais digne d?intérêt.
Michael Fligny
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