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"Daylight, moonlight" sous-titré "Kitaro live in yakushiji" est encore un double album de Kitaro, après "An ancient journey" (chronique dans Koid'9 n°46). Le concert existe en double CD audio et en DVD. A ceci près que le dernier morceau, un extrait de 12 minutes de la musique du film d'Oliver Stone, "Between heaven & earth" n'est pas filmé sur le DVD et juste proposé avec un montage photo animé (lentement !) dans les "extras". Dommage car c'est un des meilleurs moments du concert, sans aucun doute.
Les trois concerts desquelles est tiré ce live ont été enregistrées dans le grand temple bouddhiste de Yakushiji près de la ville de Nara, là même où sont gardées les cendres du moine Genjo Sanzo qui parcourut, au 7ème siècle, la fameuse "Route de la soie" et introduisit le Bouddhisme en Chine et au Japon.
Loin des arrangements presque rock des années 90 avec parfois guitares électriques et batterie, Kitaro revient vers une musique plus orchestrale, plus épurée et davantage basée sur les claviers et sur certains instruments acoustiques. Le maestro s'est entouré de quatre jeunes musiciennes (2 claviéristes, une percussionniste, une violoniste). Le chœur des moines du temple intervient aussi dans une longue introduction au concert (plus courte sur le DVD, ce qui est assez curieux !).
La violoniste Yayoi Sakiyama est notamment remarquable et chacune de ses nombreuses interventions au cours de ce concert est un régal. Les claviers restituent très bien les orchestrations symphoniques de certains albums comme "Kojiki" ou la musique de "Heaven & earth". Kitaro lui-même un claviériste au jeu limité, sert non seulement de chef d'orchestre mais joue aussi de la flûte en bambou (quena), du sitar, de la guitare électrique sur deux morceaux, des percussions… La musique possède non seulement une allure symphonique mais aussi parfois une certaine tension interne. Beaucoup d'improvisation pendant ce concert d'environ 1h45… la plupart des morceaux atteignent ou dépassent les 10 minutes. C'est parfois trop, et on aura l'impression d'une certaine stagnation à une ou deux reprises.
Les images sont belles, mais la prise de vue aurait pu être plus dynamique (elle reste souvent centrée sur Kitaro et sur la jeune violoniste) . Elle est aussi de temps en temps assez sombre. Le concert, filmé à la nuit tombante, prend un tour solennel et mystique ; les éclairages aux couleurs pastels magnifiques sont discrets, entièrement statiques, augmentés par de très nombreuses bougies… Evidemment, ce n'est pas fait pour vous éblouir. Après tout, l'atmosphère de l'événement étant plutôt solennelle, ce n'est guère surprenant. A l'image de la musique, parfois très subtile, ténue, intimiste, et s'amplifiant jusqu'à des apothéoses poignantes. L'image est parfaite et en fait, il aurait fallu se trouver sur place ou bien visionner ce DVD dans une salle de cinéma sur grand écran (en Dolby THX et tout le toutim) pour apprécier pleinement ce concert. Si vous avez un bon équipement néanmoins, et avec un peu de concentration et d'imagination, vous vous y transporterez aisément. Le temple est magnifique et on pourra profiter de plusieurs séquences aériennes qui nous le font découvrir dans son ensemble, à la nuit tombée. C'est assez étrange de voir Kitaro, plus chef d'orchestre que musicien parfois, complètement immergé au sein de sa musique, dans des attitudes légèrement emphatiques, que certains trouveront d'ailleurs précieuses (cf. aussi la façon dont on filme les mouvements de ses mains), sorte de prêtre musical moderne. Malgré la simplicité de la plupart des thèmes, ses détracteurs ne pourront lui enlever son art de l'arrangement bien travaillé et des sonorités splendides qui lui sont propres. Et son émotion. On retrouve au cours de cette performance : "hajimari", "sozo" et "koi" issus du très orchestral "Kojiki" ; "estrella "et "mercury", deux extraits fortement rallongés de l'album qui a reçu un Grammy Award, "Thinking of you" (1999) ; "water of mystery" un extrait de "Ancient", doublé en longueur ; les fameux "caravansary", "silk road" et "free flight" issus respectivement des "Silk road" III, I et IV, tous trois magnifiques et certainement supérieurs aux versions d'origine.L'album vaut aussi le détour pour la présence de deux inédits : l'étrange "wa", qui intègre les chants des moines en forme de lamentations modulées sur fond de synthés étranges, tourbillonnants, presque menaçants, avant de se terminer par une (trop) longue séquence de percussions… mais c'est une tradition chez Kitaro ; et ensuite le très long "magma", à la structure répétitive et à la mélodie obsédante, un peu dans le style des ragas indiens, bâti en crescendo et s'achevant une magnifique séquence symphonique.
Côté extra, sur le DVD, on retrouve un petit documentaire sur le temple, à lire (en anglais évidemment) sur plusieurs fonds illustrés et une interview du maestro lui-même avec sous–titres en anglais (car elle est en japonais !), qui dure environ 10-15 minutes.On a parlé de l'image mais le son est lui aussi superbe et possède une finesse et une profondeur remarquable, le digipack très beau.
La performance est originale et sincère mais Kitaro aurait pu, dans certains cas, s'abstenir de faire des titres aussi longs dans un contexte live et intégrer d'avantage d'extraits d'autres albums… Ceci dit, il en ressort plusieurs moments exceptionnels. C'est certainement à voir autant qu'à écouter. Ce DVD et ce CD sont disponibles via le plus grand site de vente de musique par Internet.
Marc Moingeon
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