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Gary Moore : Back On The Streets (1978 - cd - inédit (non parue dans le Koid9 papier))

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Quand on regarde de plus prÚs la discographie qu'a refermée Gary Moore cette nuit du 6 février 2011 dans une chambre d'hÎtel espagnol, il y a 2 façons de l'envisager : un foutoir sans nom totalement incohérent d'un cÎté, et de l'autre l'oeuvre immensément riche d'un guitariste éclectique qui n'a jamais hésité à sauter de genre en genre au mépris des barriÚres et des qu'en dira-t-on. Ce premier album solo (rappel : « Grinding Stone » de 1973 était crédité au Gary Moore Band) en est l'illustration la plus parfaite, un aperçu idéal de la carriÚre de 40 ans d'un touche à tout en 40 minutes.

L'enregistrement a lieu au printemps 1978. Depuis janvier il travaille avec Thin Lizzy sur ce qui deviendra « Black Rose » en 1979 et les heureux possesseurs des 8 volumes de la sĂ©rie bootleg « Philip - The man and his music » peuvent tĂ©moigner que l'album, plus d'un an avant son enregistrement, est dĂ©jĂ  bien avancĂ©. Bien des titres vont ĂȘtre abandonnĂ©s ou rĂ©utilisĂ©s ailleurs, en solo par Moore et Lynott chacun de leur cĂŽtĂ©. EspĂ©rons que ces archives subiront un petit rafraĂźchissement en bonus d'une hypothĂ©tique « Black Rose ? Deluxe Edition » ?

Son aventure Colosseum II peut paraßtre loin (cela restera cependant sa plus longue expérience au sein d'un groupe), pourtant cet étonnant « Back on the streets » promÚne son sillon pile-poil entre ces 2 sphÚres. D'un cÎté le jazz-rock à tendance progressive de son ancien groupe, de l'autre le hard-rock qui fera sa renommée et l'installera comme un des guitar-heroes incontournables des années 80. Plus surprenant encore, il a été enregistré avec une bonne partie des 2 groupes, à savoir la section rythmique de Thin Lizzy (Phil Lynott et Brian Downey) sur 4 titres et ses ex-partenaires de Colosseum II sur les 4 autres : John Mole à la basse et Don Airey aux claviers, accompagnés de Simon Phillips derriÚre les fûts. Le livret de mon cd (un import japonais de 1989) n'est pas plus bavard que mon 33 tours d'époque, mais je suis assez sceptique sur la répartition des tùches que l'on peut trouver sur wikipedia et qui serait tirée d'une réédition cd plus récente.

En effet j'imagine assez mal le trio Mole / Airey / Phillips ne pas ĂȘtre derriĂšre "Hurricane" et "What Would You Rather Bee Or A Wasp" alors qu'ils le sont bien sur "Flight Of The Snow Moose". Il faudrait ĂȘtre un peu sourd pour ne pas entendre le lien de parentĂ© entre ces 3 instrumentaux et le style de leur ancien groupe. Ce jazz-rock fusion progressif de haute volĂ©e transpire le Colosseum II par toutes les notes, voire mĂȘme le Jeff Beck au plus fort de sa pĂ©riode jazz rock avec Jan Hammer. Gary y fait des prouesses et dĂ©veloppe un jeu et un son que l'on ne lui connaitra plus par la suite. Quels chorus mes amis ! Je serais assez tentĂ© de leur crĂ©diter Ă©galement "Song for Donna", ballade jazz/soul/r'n'b Ă  la sauce FM et pour tout dire un peu niaise. AssurĂ©ment le titre le plus faible de l'album.

A l'inverse, peut-on croire une seconde que "Fanatical Fascists" et "Don't Believe A Word" se sont déroulés sans Phil Lynott et Brian Downey ? C'est peu probable d'autant que l'on entend Lynott dans les choeurs, chose somme toute assez normale puisqu'il est l'auteur de ces 2 titres qui, de plus, étaient déjà joués tels quels pendant les répétitions de janvier mentionnées plus haut. Les fans de Thin Lizzy seront surpris d'y entendre une relecture slow-blues jazzy de "Don't Believe A Word". Il me semble d'ailleurs avoir déjà lu il y a longtemps que le titre avait été écrit dans cette optique à l'origine mais qu'il fut boosté par la paire Robertson / Gorham sur l'album « Johnny The Fox » pour en faire la version que l'on connait. Elle fut cependant jouée par la suite dans ce style lors de la tournée 1982 avec Snowy White. "Fanatical fascists" est quant à lui un hard-rock trÚs violent autant pour le texte que pour la musique.

Autre titre hard-rock, "Back on the streets" qui ouvre et donne son nom Ă  l'album et que Gary continuera de jouer trĂšs longtemps dans les annĂ©es 80, serait avec Don Airey et Simon Phillips. Plus plausible cette fois, ces deux-lĂ  ayant toujours Ă©tĂ© trĂšs Ă©clectiques et car, au loin, on distingue effectivement du clavier. Il manque cependant un bassiste ? alors que l'on reconnait trĂšs bien une fois encore Lynott dans les choeurs !!! On aurait mĂȘme apprĂ©ciĂ© qu'il en soit le chanteur principal car si Gary est dĂ©jĂ  un virtuose de la guitare, il n'a pas encore rĂ©ellement trouvĂ© sa voix. Notons au passage qu'il s'agit lĂ  des 2 seuls titres hard de l'album : continuer sans vergogne de le rattacher Ă  ce genre relĂšve donc au mieux de l'ignorance, au pire de la mauvaise foi et de l'hĂ©rĂ©sie.

Enfin l'album se termine par une jolie petite ballade, presque anodine, bĂątie sur une phrase de guitare qui rappelle un peu "Europa" de Santana et beaucoup "The messiah will come again" de Roy Buchanan (que Gary reprendra en hommage en 1989 sur l'album « After The War » et prĂ©sente Ă©galement dans le coffret « Essential Montreux »). Phil Lynott viendra y rajouter des paroles aujourd'hui cĂ©lĂ©bres : "I remember Paris in '49, the Champs-ElysĂ©es, St-Michel and old Beaujolais wine". Les plus fĂ©rus auront bien sĂ»r reconnu "Parisienne walkways". Cette version originale de 3 mn 25 fera un mini-hit en Angleterre (8Ăšme dans les charts) mais ce n'est qu'en 1993 qu'elle ressurgira vraiment chez nous, dans sa version live de l'album « Blues Alive », fortement remaniĂ©e, rallongĂ©e, chantĂ©e par Gary lui-mĂȘme et dont le cĂ©lĂšbre tirĂ© de note ("bend" pour les spĂ©cialistes) tenu une vingtaine de secondes vrillaient les tympans Ă  la limite de la douleur dans ls salles de concert . Il est devenu tellement difficile de passer Ă  cĂŽtĂ© dĂšs l'instant que l'on Ă©coute la radio (ou, plus souvent dans mon cas, qu'on la subisse au supermarchĂ© du coin) qu'elle a fini par m'exaspĂ©rer lĂ©gĂšrement, comme tous ces "tubes", bons ou mauvais, que l'on nous assĂšne en boucle jusqu'au dĂ©goĂ»t ("Hotel California","Stairway to heaven", "Another brick in the wall", "Europa" ? etc ? etc ?). Elle aussi Ă©tait dĂ©jĂ  jouĂ©e dans les sessions Thin Lizzy du dĂ©but 78.

Tout comme sa petite soeur "Spanish guitar" que l'on trouve en bonus de certains cd et qui ne sortit qu'en single en pensant rĂ©Ă©diter le mĂȘme coup, mais son impact sera beaucoup, beaucoup plus modeste. Quand j'Ă©cris "petite soeur" c'est qu'elle est vraiment exactement dans le mĂȘme moule : une jolie phrase de guitare sur un rythme slow, des paroles Ă©crites en 5mn chantĂ©es par Phil Lynott mais le tout Ă  la sauce hispanisante cette fois.

DerniÚre bizarrerie à mettre au crédit de ce disque : outre les 3 titres signés par Lynott, le reste est co-écrit par Moore et un certain Campbell ? sur le vinyle car il a disparu des éditions cd ! Qui était ce ? Impossible à savoir ?

Toute cette pagaille concernant le casting n'est finalement que secondaire et seul compte vraiment le résultat. Un résultat qui laissera forcément pantois les puristes de tous bords au point de leur faire avaler leurs dix commandements. Il faut bien admettre que le mélange des genres n'aide pas à l'unité du projet. Pour ceux qui ont suivi toute sa carriÚre cela ne posera pas vraiment de problÚme, c'est bien à l'image du bonhomme, insaisissable. Pour les autres, une bonne dose d'éclectisme s'avÚre un prérequis indispensable. Il n'y manque pratiquement que le gros blues de sa fin de carriÚre.

Denis Chamignon

PS : pour une biographie et des chroniques d'albums mettant en exergue les différentes facettes de Gary Moore, reportez-vous au n°77 du magazine dans lequel nous lui rendons hommage.




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