Marillion : Somewhere Else (2007 - cd - parue dans le Koid9 n°61)
Dix morceaux, à peine cinquante minutes. On est loin de "Marbles" sur la plan de la quantité de matériel musical. Et pourtant, "Somewhere else" possède quelques points communs avec son prédécesseur, sur le plan sonore, au niveau de l'ambiance assez mélancolique, pour ne pas dire désespérée par instant. Pas de très longs morceaux. De ce point de vue, le disque peut se rapprocher de "Afraid of sunlight", avec lequel il partage aussi quelques idées. Sans parler du caractère progressif ou non, disons que "Somewhere else" est plus ou moins subdivisé en deux parties. Les 4 premiers titres sont relativement pop/rock, plutôt dirigé par des riffs assez simples de Steve Rothery comme sur le premier single, "see it like a baby". Pas un très bon choix à mon avis car son refrain mélodiquement limité, couplé à un tempo moyen sur lequel Rothery n'a pas trouvé de motif de guitare très inspiré… Tout cela n'est pas particulièrement marquant. "The other half", le morceau assez entraînant et rock du début aurait mieux convenu. Ou encore la belle ballade orchestrale "thank you whoever you are" (un slow, disons le !) plutôt basée sur les claviers de Mark Kelly, qui se retient très facilement. "Most toys" dure moins de trois minutes et c'est tant mieux tant ce rock énervé, sautillant et puéril à la fois est répétitif et lassant. Si on s'arrêtait là, le bilan ne serait guère positif… Le dernier titre, "faith" joué à la seule guitare acoustique au départ, puis orchestré lorsque le reste du groupe se joint à Rothery, rappelle un peu "made again" qui terminait "Brave", un morceau légèrement folk, mélancolique mais moins sombre et aux textes plus optimistes que la partie centrale de l'album. Bref, une très jolie conclusion. Les cinq autres morceaux au milieu sont plus longs (entre 5 et 8 minutes), proches des ambiances trouvées sur "Afraid of sunlight" et "Marbles". Des atmosphères mélancoliques, mystérieuses, voire désespérées avec des moments intimistes et d'autres plus puissants, mais globalement sans accélération brutale. Le morceau éponyme démarre cette partie qu'on pourra qualifier de plus progressive. C'est aussi le plus long (environ 8 minutes). Il rappelle à la fois "fantastic place" de "Marbles" et "afraid of sunlight". Première partie lente, montée en puissance jusqu'à atteindre un point culminant vers le milieu du morceau, partie apaisée et lente glissade avant une autre courte explosion, où Mosley martèle enfin ses fûts sans retenue, puis final apaisé. Le morceau semble parfait pour illustrer une triste journée au ciel plombé de novembre… Le titre suivant "a voice from the past", un peu plus court, est plus ou moins dans la même veine, au départ lent, empli d'une langueur inquiétante, avec un solo bref mais grandiose de Rothery vers la fin. "No such things" est moins marquant, encore que son motif de guitare et la mélodie vocale un rien répétitif au début reste aisément en tête. "the wound", autre titre de plus de 7 minutes en plusieurs parties imbriquées, est aussi le morceau le plus original, et même le plus dynamique de cette partie du disque, le plus surprenant… avec un Ian Mosley qui a enfin l'occasion de démontrer son talent sur des rythmes plus ou moins complexes et changeants. Côté arrangements, Mark Kelly utilise, comme sur les albums précités, un mélange de piano acoustique, de textures orchestrales superbes, d'orgue et de sonorités originales, étranges. Steve Rothery garde des sonorités essentiellement claires et cristallines, réverbérées, ou comme passées à travers un filtre liquide, que l'on peut trouver (entre autres) sur les deux albums cités en référence, multiplie les notes étirées et les solos limpides qui pourront encore une fois rappeler David Gilmour. Ian Mosley et Pete Trewavas restent relativement discrets sur cette majorité de tempos plutôt lents ou moyens, même si chacun apporte parfois sa patte reconnaissable, essentielle à l'ensemble. Et Steve Hogarth reste égal à lui-même, émouvant ou énervant selon les goûts. H semble être ouvertement d'humeur sombre, ce qui se reflète dans ses textes souvent très pessimistes. Sa voix aux accents tristes et tragiques, légèrement voilée, est parfois un peu gémissante, occasionnellement traitée comme les autres instruments comme à travers un filtre liquide ou un vocoder, fragile dans des aigus qu'il utilise plus qu'à l'habitude, vraiment poignante sur d'autres passages. "Somewhere else" est un album assez mitigé et pourtant relativement cohérent, qui s'apprécie lentement, au travers d'écoutes attentives et répétées. On a encore envie de dire... comme sur "Afraid of sunlight". Avec un titre plus puissant au début, et sans "most toys" ni "see it like a baby", il aurait gagné en force. Mais il reste un disque intéressant, personnel, qui contient plusieurs moments très émouvants. Marc Moingeon Site du groupe Consultez également l'interview liée à cette chronique |