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Attention, chef-d’œuvre ! Bien sûr, comme tout ce qui touche à l’art, la part de subjectivité reste l’élément conducteur. Comme tout ce qui est de l’ordre de l’exceptionnel, il existe aussi de la complexité. Mais une fois imprégné (minimum quatre écoutes) du "chemin" emprunté par nos quatre artistes de Transatlantic, on ne peut être que transporté pendant plus d’une heure et quart.
Tout commence par sept minutes de présentation instrumentale de ce que sera l’album. Toutes les déclinaisons du thème central y sont d’entrée traitées. Arrive ensuite la voix de Roine Stolt, très présente sur ce troisième opus du groupe. L’expression sonore du leader des Flower Kings y sera elle aussi très influente. Il suffit pour cela d’écouter la quatrième partie de cette œuvre "a man can feel pour en être convaincu. Tout s’enchaîne entre simplicité et grandiloquence, ce qui est d’ailleurs le plus incroyable et jouissif dans cet album. Pas de temps mort, une déferlante de passages musicaux qui ont tous leur intérêt spécifique dans cette globalité. À la fin du sixième mouvement intitulé "rose colored glasses", qui marque la moitié de l’album, on croit qu’une pause va enfin avoir lieu. Non pas que l’on soit fatigué auditivement, mais l’on se dit qu’il nous sera difficile de pouvoir rester sur le même tempo… pendant plus d’une demi-heure encore. Eh bien, si !
Le pianiste Neal Morse reprend de plus belle, suivi en cela par la rythmique impressionnante du duo Portnoy-Trewavas et tout se renchaîne comme si l’on venait de commencer. Ça reste enlevé, créatif et en tout point structuré. Ils réussiront là où beaucoup se sont souvent cassés les dents, c’est-à-dire réussir à faire simple dans la complexité. Le "cœur musical" de l’œuvre est toujours là, décliné encore une fois de plusieurs façons.
Contrairement aux deux premiers albums de Transatlantic, où les orientations de Neal Morse semblaient être les seules véritables lignes directrices, on sent ici une réelle multiplicité d’influences. Comme si chacun influençait l’autre en s’imprégnant et en intégrant les orientations propres de ses partenaires. Témoin, la neuvième partie "lay down your life" où le timbre de voix de Neal Morse semble venu tout droit de celui de… Hasse Fröberg, le lead-vocal du groupe suédois créé de toutes pièces par Roine Stolt. La partie suivante "pieces of heaven" où Neal est aux claviers semble même être interprétée par un certain… Tomas Bodin, le pianiste des Flower Kings.
Que dire du final, si ce n’est qu’il est tout bonnement exceptionnel. Il se décompose en deux parties. Tout d’abord avec l’avant-dernière partie "is it really happening", elle-même à distinguer en deux temps. Le premier est consacré principalement à une partie voix de toute beauté soutenue d’une légère ligne de basse qui prépare le second à une déferlante musicale d’une puissance et d’une intensité rarement atteinte à un ce niveau. Le tourbillon ("whirl") y est là très explicite. Le vent ("wind") souffle de toute part. Pendant près de quatre minutes, on a l’impression que tout va s’envoler autour de soi. C’est beau, c’est violent, c’est transcendant, c’est… Transatlantic ! Enfin, tout semble s’arrêter… avant que le piano de Maître Neal ne reprenne définitivement la main pour la dernière partie intitulée "dancing with eternal glory/whirlwind". Du bonheur à l’état pur, où l’on peut même distinguer en arrière-fond, lors de ce final de douze minutes, un phrasé musical du classique "I know what I like" de Genesis. Pas de doute ; "je sais ce que j’aime".
En conclusion, on peut légitimement penser qu’il nous faudrait du temps entre deux écoutes pour récupérer d’une telle expérience qui vous chamboule d’émotions et de ressentis positifs. Toutefois personnellement, un sentiment particulier m’anime à chaque fois à la fin de ces soixante-dix sept minutes de "création biblique". Elles sont tellement passées à la vitesse du… vent, que je me retiens de ne pas appuyer sur "play" pour réécouter ce "tourbillon" dès la fin de celui-ci. Une œuvre d’art que cet album.
En ce qui concerne le CD bonus, il porte bien son nom. Il s’agit de huit compos décomposées en deux parties. Les quatre premières sont originales. "Spinning" qui ouvre cet "after" est l’œuvre principalement de Roine Stolt solidement épaulé par ses partenaires. Près de dix minutes de grande qualité là encore, qui aurait très bien pu figurer dans le "Whirlwind" sans être en décalage pour autant. Suit "Lenny Johnson" encore sous la coupe du guitariste scandinave. Sympathique, mais sans plus. Par contre avec "for such a time", composé par Neal Morse, on a affaire à un très beau morceau, limite mélancolique donc forcément présent émotionnellement. "lending a hand" apporte la preuve que Pete Trewavas sait à la fois lui aussi composé et (bien) chanté. Ça dure là aussi près de dix minutes, tout en douceur avec une mélodie, certes répétitive, mais agréable.
Les quatre morceaux suivants sont eux des reprises. La première est fulgurante. Il s’agit du classique "the return of the Giant Hogweed" de la genèse. Quelle puissance et quelle qualité d’interprétation. Dire que cette compo date de presque quarante ans. Pas une ride et même un léger lifting apporté par Transatlantic qui donne par moment un vrai plus, notamment quand les baguettes de Portnoy se déchaînent lors du final. Une totale réussite. Arrive ensuite une reprise de Procol Harum avec "a salty dog". L’intérêt majeur de cette reprise semble résider dans le fait que le batteur Mike démontre qu’il possède aussi un timbre de voix fort agréable. "I need you" est lui intéressant car il s’agit en fait de deux morceaux qui se trouvent réunis en un. La première partie reprend la version du groupe America et la seconde, plus connue, celle des Beatles. Enfin, le dernier tribute est rendu à Carlos Santana avec une version enlevée de "soul sacrifice". On sent le côté festif, et quelle rythmique là aussi avec la basse très appuyée de Trewavas et la fureur du jeu de Portnoy. Décidemment, ces mecs sont des monstres !
Pour la version "De luxe", on a droit à un DVD retraçant les différentes étapes de composition de l’album. Pour faire vite, disons que tous se retrouvent à l’aéroport pour ensuite aller bosser au domicile de Neal Morse. On ressent à travers ce document qu’en dehors de l’aspect purement professionnel, il semble exister une sincère amitié entre eux. On découvre aussi que le bassiste de Marillion est vraiment force de propositions dans le processus de création, alors que l’on regrettera parallèlement à cela la timidité des interventions de Roine Stolt face à la caméra. C’est vraiment dommage car encore une fois, à l’écoute de l’album, il est indéniable que son rôle fut capital dans cette démarche créative.
Beaucoup de choses donc et encore… il aura fallu se freiner. Sinon, seul un dossier complet aurait pu me permettre de vous exprimer la totalité de ce qui sera pour moi, sans conteste, l’album de cette année 2009.
A vous désormais, chers lecteurs de Koid’9, de partager ou non ce sentiment.
Franck Lorenzetti
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