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"II" n’est pas à proprement parler la réédition en CD de l’unique album vinyle de ce groupe suisse francophone, paru initialement en 1977. En réalité tous les morceaux ont été réenregistrés avec les technologies actuelles, mais avec le souci de conserver l’état d’esprit et les sonorités de l’époque. De là vient le numéro "II". Deux titres ont été ajoutés qui n'apparaissaient pas dans l'album d'origine : "the one" et "la petite fille de l’air", et dans un souci perfectionniste quelques idées nouvelles ont été incorporées. Il fallait être sacrément gonflé en 1977 pour sortir un disque pareil, complètement à contre courant de tout ce qui se faisait à l’époque. Je ne suis pas sûr que les ventes aient été très fructueuses à l’époque, même sur le millier d’unités éditées, et de toute façon sur un plan purement artistique cela n’a pas grande importance.
Christian Fues est le principal instigateur de l’entité Trocarn dont il assure guitares, basse, claviers, programmation batterie, synthé et chant. La voix de sa fille Melanie est utilisée, de même que celle de Frank Grosset dans le rôle du "Paysan". Surtout il a pu convaincre Christian Pidoux (clavier et bassiste du groupe d’origine) de se joindre au projet. Enfin, Serge Castellano est venu poser son saxo pour un très beau solo dans "Jonathan".
La grosse voix grave de Christian Fues est très proche de celle de Christian Décamps, ce qui tend à rapprocher Trocarn avec Ange, ou plus précisément de son cousin vocal Bernard Lavilliers. Dans l’ensemble les parties vocales sans être déplaisantes ou déplacées ne m’ont pas emballé, surtout les interventions de Frank Grosset dans le rôle du "Paysan". Son interprétation trop retenue ne fait pas preuve d’une grande conviction, on aurait aimé plus d’outrance afin de coller au mieux à l’histoire. Cependant l’essentiel du disque est instrumental.
La tonalité est principalement acoustique et assez dépouillée, avec une dimension rock réduite au minimum. Il est un peu regrettable d’avoir eu recours à des programmations rythmiques, car tant qu'à réenregistrer d'anciens morceaux, autant faire appel à un vrai batteur, mais je suppose que cela n’a pas été possible. Cela dit, étant donné la dominante acoustique et atmosphérique de la musique, l’aspect rythmique est secondaire et on oublie bien vite ce petit défaut.
Les textes sont légers et sans prétention, parfois même un peu naïfs, basés sur des thèmes proches de la nature et de l’imaginaire. De tout cela émane donc un côté très romantique, poétique et hors du temps, où l’ombre de Mike Oldfield est souvent palpable, caractère accentué par une proximité des sons de guitare électrique. L’emploi très fréquent de doux arpèges de guitares, entrelacés ou non, fait penser au travail de Anthony Phillips et Steve Hackett dans les premiers Genesis. Les claviers sous forme de nappes ou aux sonorités symphoniques apportent une douceur et une suavité que l’on retrouve actuellement plus souvent chez les représentants sud-américains du rock progressif que dans nos contrées européennes. Un passage sautillant, quasiment folklorique, sur "le condamné – partie 3" apporte à un moment une petite touche bienvenue de Yann Tiersen, ce musicien lui aussi hors mode, compositeur entre autres de la B.O. du film "Amélie Poulain". L’album se termine par "le paysan", plus long morceau du haut de ses 22 minutes. On n’est que moyennement convaincus de la nécessité d’une telle durée pour une telle musique plutôt avare en rebondissements, mais aucune faute de goût ne pointe le bout de son nez.
Vous l’aurez compris les fans exclusifs de musique démonstrative ou débridée passeront leurs chemins. Les amateurs de progressif chanté en français, d’atmosphères sereines introverties et de douces mélodies caressantes devraient trouver leur intérêt parmi les 8 morceaux délicatement tissés et rafraîchis par ce mini-groupe.
Michael Fligny
Myspace du groupe
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