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Finalement, Albert Marcoeur et sa petite troupe de musiciens travaillent à peu près à la même cadence. Il se passe en gros entre trois et quatre ans entre la sortie de deux albums. Bilan des courses : neuf galettes en trente années de folles expérimentations créatrices. Pas si mal. Et toujours ce même attachement au travail bien fait, cette obsession pour la technique d’orfèvrerie sonore, mais aussi cette naïveté dans les textes cachant évidemment une vision réaliste des difficultés de la vie de notre époque.
Mais cette fois-ci, Marcoeur est allé encore plus loin. Le son par exemple est plus "industriel" voire plus "froid" qu'auparavant. Beaucoup d’échantillonnages (George Brassens aux guitares acoustiques sur un titre, notre ex-ministre de l’environnement préférée Roselyne Bachelot à la voix sur un autre) et des trucages viennent se mêler aux instruments classiques. Petit reproche au passage : la voix d’Albert Marcoeur est trop masquée par tous ces bruitages et il faut vraiment se concentrer pour comprendre les textes. Ces derniers n’ont quant à eux jamais été aussi "noirs". L’individualisme rampant, le fatalisme ou le mensonge sont ici dénoncés, laissant un sentiment d’embarras (avec quand même un petit sourire–c’est du Marcoeur) à l’écoute. Oui, c’est bien de notre société actuelle dont il s’agit. Albert Marcoeur a l’air d’en avoir assez de faire semblant, il dénonce enfin à coup de sonorités industrielles jusqu’au malaise.
Il sera donc difficile pour ceux qui voudront s’initier à la musique du Zappa français (appellation du temps des années 70 plus ou moins justifiée aujourd’hui) de commencer avec "L’apostrophe". Non, il vaudrait mieux par exemple se rappeler à notre bon souvenir de "Celui où y a Joseph", sans doute le meilleur album de Marcoeur dont la réédition est arrivée l’année dernière. Enfin, Marcoeur sera toujours Marcoeur : un anticonformiste qui nous aura offert ces derniers mois la possibilité de le voir enfin sur scène à Paris et à Nancy. C’est aussi un grand moment de voir ce grand Monsieur et ses musiciens en live.
Patrick Robinet
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