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L'écoute de "Goliath in Bedlam" relève de l'épreuve de force tant le délire du guitariste Rodriguez-Lopez (nourri au père Fripp) joue avec la frontière du grand n'importe quoi, entre fourre-tout mystique, baroque et spéculations aux harmonies systématiquement démembrées. Il aura pourtant fallu patienter pour apprécier ce bordel musical, retardé pour cause de mauvaise volonté de l'Esprit Goliath (!), invoqué aux détours d'une séance de Ouija, jeu particulièrement prisé par les amateurs d'ésotérisme bon marché, que le gratteux déglingué avait offert à Cedric Zavala, le chanteur non moins chtarbé. Il faut donc imaginer Goliath, furax d'avoir été sorti du plumard par une bande de bruiteurs hirsutes, poussé par la vengeance et contrecarrant les plans de production de ce quatrième album (inondation du studio d'enregistrement etc. etc.) à tel point que Omar ira enterrer le fameux Ouija sans rien dire à personne pour mieux exorciser la bête dans un enchaînement de dysfonctionnements musicaux. Par soucis de perfection, voici qu'il nous envoie gentiment le résultat, frais de port inclus. Entre temps c'est Thomas Pridgen qui a pris possession du tabouret derrière les fûts, ce qui ne change pas grand chose à l'affaire.
Et d'ailleurs, est-elle aussi impressionnante qu'annoncée cette affaire ? Oui et non. Car au delà de la patience nécessaire pour digérer ces 77 minutes peu relaxantes, ce cher Omar joue au shérif indien avec six cordes à son arc - bandant, dans ses moments les plus construits ("agadez"). Car à force de tirer sur la chevillette, les tiroirs se transforment parfois en chausse trappes dans lesquels tombe un groupe visiblement aveuglé par l'énergie et le talent déployés, noyés de déglingue généralisée. Aussi, quand Zavala s'échine dans son "plant"ureux falsetto, il déborde parfois dans la marge ("metatron"). Mais on pourra surtout être déçu par le faux pas en avant qui donne à ce "Goliath" une impression de déjà entendu. Même si un saxophone sorti d'on ne sait où se charge de remettre les pendules à l'heure ("aberinkula"), malgré des rythmes orientaux évanescents ("soothsayer"), le gloubiboulga expérimental donne dans le m'as tu vu un poil hédoniste. Pourtant, quand la tornade se calme, les Mars Volta parviennent, comme dans leur propre nom, à mélanger féerie Fellinienne avec un cosmos guerrier.
Alors, farfelus ingérables ou géniaux escrocs ? Il ne reste plus qu'à espérer qu'il ne s'agisse pas d'une comète sans lendemain... mais ne nous inquiétons pas trop pour eux : outre l'album en question, le groupe a déjà publié un document exclusif sur son élaboration ("The Mars Volta's descent into Bedlam : A rhapsody in three parts"), un jeu en ligne basé sur leur expérience du Ouija ("Goliath : The soothsayer") et le prolifique Omar continue d'écrire pour des albums solo, des bandes originales de films ("El Búfalo de la noche") et prépare même un film sur le groupe. De quoi remplir les caisses.
Pour l'anecdote, le prochain album est dores et déjà planifié et selon le guitariste, devrait être nettement plus calme : "ce sera notre disque acoustique" promet-il. Nulle doute qu'au delà de l'image branquignole de nos zigues, les lois du marché sont bien digérées. Au petit jeu du capitalisme, c'est toujours Goliath qui s'en sort le mieux.
Cyrille Delanlssays
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